Un voyage en Russie
Le 21 août 2019, il fait 22°C à mon arrivée à Kazan (1000 km à l’est de Moscou), où m’attend Alexandre Dresvyannikov et son plus jeune fils Édouard.
La famille Dresvyannikov m’accueille ensuite chez elle à Vyatskié Polyany.
Je m’enquiers de la santé de chacun.
Alexandre et Olga me répondent : « Ça va, avec des hauts et des bas ! »
Il est vrai qu’ils sont tous deux très éprouvés dans leur santé, Olga avec un fort problème rénal et Alexandre avec ses crises cardiaques répétées nécessitant régulièrement son hospitalisation.
Désormais ce sont leurs filles qui prennent en main la maison.
À 15 heures, nous partons en Oudmourtie – une des nombreuses républiques de Russie – qui a pour capitale Ijevsk.
Nous arrivons au village d’Assiner dont la rue principale est en terre battue.
Nous nous installons dans la grande rue pour l’évangélisation.
Une dizaine de personnes s’approchent.
Les chants et la prédication sont troublés par l’arrivée de chèvres et le mécontentement des oies.
Une conversation s’ouvre avec un voisin, originaire du Daghestan. Il affirme que Jésus n’est pas Dieu, mais un prophète, bien qu’il soit son fils.
Chants et proclamation de la Parole de Dieu suivront, puis Alexandre distribue quelques bibles.
Le 22 août, Alexandre me confie un sujet qui lui tient à cœur : « J’aimerais avoir une aide humanitaire comme celle acheminée en Ukraine, car en évangélisant, nous rencontrons beaucoup de personnes ayant d’énormes besoins, comme par exemple la famille Charifoullin à Mojga, ou celle de Yagul, dont voici le témoignage :
Une famille nombreuse vit à Yagul.
Le mari est un gitan malentendant, sa femme souffre d’un cancer au troisième stade.
Avec leurs six enfants, ils vivent dans des conditions extrêmement précaires.
Lors de l’un de nos précédents voyages missionnaires, ils ont reçu une Bible, un Nouveau Testament, ainsi qu’une Bible pour enfants.
Ils sont aussi venus plusieurs fois à nos réunions à Vyatskié Polyany.
C’est ainsi que, subitement, la Parole de Dieu s’est étendue à l’arrière-pays.
Cette fois-là, il nous a été difficile de nous rendre à Yagul par les routes impraticables à l’approche de l’hiver.
En arrivant dans cette famille, tous ont prié à tour de rôle pour leur mère malade.
C’était très émouvant.
De plus, Pacha, le père malentendant, ne pouvait pas articuler sa prière.
L’une de ses filles – qui le comprend – nous a traduit sa prière.
Je ne pouvais pas m’empêcher d’ouvrir les yeux... Marina pleurait, tout en répétant phrase après phrase des mots incompréhensibles pour nous.
M’enquérant de leurs besoins les plus urgents, les filles aînées me dirent qu’elles n’avaient nulle part où dormir !
« Mais où dormez-vous quand même ? »
Elles montrèrent la pièce où elles dorment par terre.
« Et où sont vos matelas ? »
Elles désignèrent de vieux matelas extrêmement abîmés sur le sol très froid.
En fait, nos pieds étaient “gelés” pendant que nous étions chez eux !
« Avez-vous du gaz ? »
La bouteille était en panne et donc la cuisinière hors service !
Toutes les “commodités” (WC), sont bien sûr à l’extérieur.
Dans leur “chambre à coucher” les murs s’effritent... je ne peux tout décrire !!!
« Je veux annoncer cela dans mon église, peut-être collecterons-nous de quoi subvenir à leur “minimum vital”. Nous devons aussi prêcher l’Évangile avec des moyens matériels. Le Seigneur me conduit souvent là où il y a une extrême pauvreté ... »
Le soir même, nous nous rendons à Youmya, un petit village du Tatarstan, une république de la Fédération de Russie, située dans le bassin de la Volga.
Elle tire son nom du peuple tatar et sa capitale est Kazan.
La réunion a lieu dans une ferme.
La famille qui nous reçoit me demande de transmettre ses salutations à Louis et Marie-Thérèse Pelzer.
Comme la veille, à la demande d’Alexandre, je donne mon témoignage.
Les personnes présentes me posent beaucoup de questions.
Alexandre donne ensuite un message.
Plus tard, Alexandre me parle à nouveau de l’aide humanitaire :
« Les camions humanitaires pour la Russie sont automatiquement refoulés à la frontière. Selon les autorités, il n’y a pas de problème humanitaire ! Par ailleurs, les mauvaises relations avec l’ouest n’arrangent rien. »
Voici les priorités pour Alexandre :
besoin de bibles pour l’évangélisation,
d’aide sous forme de vêtements et de médicaments qu’il serait possible d’acheter sur place,
de quoi isoler la façade de la maison de prière de Sosnovka, achetée par nos soins en 2014, car il fait très froid l’hiver. C’est aussi là que se réunissent les enfants de l’orphelinat.
Alexandre apprécierait aussi de l’aide pour couvrir les frais de déplacements – tellement coûteux – pour ses visites.
Pour finir, nous visitons un petit village reculé d’Oudmourtie nommé Koubya.
La réunion a lieu chez un certain Benjamin.
Son frère habitait la maison qu’il occupe avec sa famille ; son frère était un alcoolique notoire.
Avant de mourir, il s’était repenti en répétant plusieurs fois : « Seigneur, pardonne-moi ! »
Maintenant Benjamin évangélise tout autour de chez lui et dans les villages environnants.
Le dimanche 25 août, le culte à Vyatskié Polyany est consacré à la rentrée scolaire.
Des prières s’élèvent pour les enfants, les ados et les jeunes qui poursuivent leurs études.
Le culte est suivi du mariage d’un jeune couple, Diana et Sergueï.
Il y a 4 ans, j’avais assisté au baptême de Sergueï, et l’an passé à celui de Diana.
Toute l’église a participé à la préparation de cette célébration, qui se terminera vers 19 heures.
Ne faisons-nous pas partie d’une même famille, la famille de Dieu ?
Le lendemain, nous partons pour Kez, situé à plus de 400 km, tout au Nord de l’Oudmourtie. Nous mettons presque cinq heures pour y parvenir. Il faut avancer les montres d’une heure par rapport à Moscou, deux heures par rapport à Paris.
Nous sommes accueillis par Sergueï, diacre et responsable de l’église. L’assemblée est composée de personnes âgées, surtout des femmes, d’adultes et de jeunes couples avec enfants.
De beaux chants alternent avec différentes interventions.
Au moment de la prière, tous se mettent à genoux.
Alexandre soutient cette assemblée en y prêchant régulièrement.
Notre dernière réunion a lieu à la maison de prière de Mojga, en Oudmourtie. Nous y rencontrons la famille Charifoullin (cette famille très démunie est aidée par la Mission).
De ce fait, les enfants sont bien habillés et ne semblent pas souffrir de cette pauvreté.
Seuls les parents montrent une vie de sacrifices et de difficultés : leurs visages trahissent une grande fatigue et leurs traits sont creusés.
La réunion est orientée vers l’évangélisation.
Alexandre reconnaît Simon qu’il avait connu autrefois.
Celui-ci avait cessé de venir aux réunions, après bien des années, le revoilà. Il reconnaît que la vanité l’avait “coincé”, ses vaines affaires ne lui ont pas réussi : aucun succès, ni joie, ni prospérité ; des problèmes avec les enfants et mésentente avec sa femme.
Alexandre lui rappelle qu’il faut mettre Dieu à la première place dans sa vie, et tout le reste suivra.
La prédication a porté sur le fait que Dieu veut nous changer.
Il a doté chacun de qualités merveilleuses et belles. Par exemple : chacun est né garçon ou fille, en accordant une croissance bien déterminée, la couleur des yeux, le timbre de la voix et bien d’autres choses.
Mais Dieu veut changer notre caractère en nous transformant à l’image de Christ.
Après le culte, Simon s’est approché de nous, disant :
« Il y a eu beaucoup de nourriture pour l’âme dans ce message, j’ai compris tout ce que Dieu veut de moi. »
Gloire à Dieu ! Par sa grâce, Dieu conduit l’homme à la repentance (Rom 2.4).
Alors que nous étions attablés pour le repas et échangions sur la Parole entendue, Alexandre a remarqué que les enfants faisaient du bruit et se chamaillaient dans la cour.
Il était désolé que les parents laissent leurs enfants sans surveillance.
Il s’est souvenu de Prov 29.15 : “L’enfant livré à lui-même fait honte à sa mère”.
Puis, il est sorti dans la cour, a rassemblé les enfants pour leur parler.
Tous se sont calmés et il leur a proposé un refrain simple à apprendre, qu’il leur a fait répéter, après quoi ils sont entrés dans la salle, chantant, entraînant aussi les adultes à chanter !
Ensuite nous avons prié pour les enfants et particulièrement pour ceux qui devaient aller à l’école pour la nouvelle année scolaire.
Nous nous sommes mis d’accord pour que, à chaque réunion à venir, les enfants s’assoient tranquillement et calmement avec les adultes au culte, et chantent en commun.
En parcourant le pays, le problème de l’alcool est omniprésent, avec ses conséquences désastreuses.
La présence de l’Église orthodoxe est plus ou moins visible, avec un ascendant médiocre sur une population méfiante à cause de la proximité entretenue entre elle et le Pouvoir.
Le dernier jour, nous allons visiter trois sœurs à Koutmor dans le Tatarstan, à 40 km de Vyatskié Polyany.
Véra (mot qui signifie foi) vient nous ouvrir, suivie de Louissa.
Lydia, la troisième, est alitée (elle décèdera en octobre).
Toutes trois sont usées.
Louissa marche avec des béquilles. Elle est tombée il y a quatre ans et s’est fracturé le col du fémur. Alexandre l’a alors prise en charge et la conduite à l’hôpital où elle a été opérée et a été très bien soignée.
Au printemps dernier, Ivan et Mikaël, les fils d’Alexandre, se sont occupés de leur jardin. Maintenant elles ont fait la récolte et sont heureuses de pouvoir manger des produits de leur potager.
Nous avons une longue conversation avec elles.
Alexandre commence par lire un passage de Paul aux Corinthiens.
Cela éveille chez elles des souvenirs : leur père a été arrêté en 1936 et fusillé en 1937, comme beaucoup de chrétiens dans ces années sombres du stalinisme.
Un échange émouvant se fait entre elles et Alexandre, des larmes coulent. Leur père a bien été réhabilité, mais cela ne change pas grand-chose.
Certaines blessures peuvent-elles se cicatriser ?
Le père d’Alexandre a aussi connu la déportation et les geôles sous le régime communiste, et lui-même a été interné.
Le temps des échanges est entrecoupé de chants.
Après la prière, Véra insiste pour que nous prenions une petite collation, après quoi nous prions et nous séparons.
Merci Seigneur de m’avoir gardé durant tout ce voyage.
Merci pour l’amour manifesté par les frères et sœurs de Russie.
Merci à vous tous de ne pas les oublier !
Слава Богу ! Gloire à Dieu !
Pierre Vaubaillon