donnez-leur vous-mêmes à manger

Délivré d’un cercle vicieux de violence

Quand le milieu familial devient un enfer

Un couteau de cuisine à la main, je m’enfuyais vers la forêt. Des pensées folles tourbillonnaient dans ma tête : « Non, une vie pareille n’a pas de sens… ça suffit… je vais en finir… mon père, ma mère et mes frères et sœurs doivent savoir qu’ils sont responsables de ma détresse !

Une profonde amertume me poussait à la vengeance.

Je plantai la pointe du couteau dans ma peau… mais la forte douleur et le sang qui coulait eurent raison de ma funeste résolution… A l’époque, je n’étais encore qu’un enfant de cinq ans. Aussi loin que je puisse m’en souvenir, mon père buvait. Le jour, la population du village ne s’apercevait de rien. Pourtant, le soir venu, il rentrait à la maison titubant, saoul comme un coing. Il nous arrivait parfois de devoir fuir la maison, mère et enfants, au milieu de la nuit, en plein hiver, quand le père se saisissait d’un couteau ou de son fusil de chasse, pour nous abattre.

Quand j’avais quatre ans et demi, ma grand-mère vint habiter chez nous. Ce fut comme un bol d’air frais, l’espoir d’une vie meilleure. Malheureusement, je me trompais totalement. Grand-mère ne supporta pas longtemps l’enfer que nous vivions. Après avoir été humiliée maintes et maintes fois, et même violée, elle mit fin à ses jours en se pendant.

A partir de ce moment là, une peur-panique me poursuivait jour et nuit. Je ne pouvais poser à personne les questions qui m’obsédaient : « Que sert-il de naître si l’homme vit continuellement dans les tourments ? »

A quinze ans, une fois de plus, mon père, ivre mort, agressa violemment mon frère aîné. Saisi d’une colère noire, nous parvînmes à le jeter à terre, laissant libre cours à toute la colère accumulée. Si des voisins n’étaient intervenus in extremis pour nous retenir, nous l’aurions étranglé.

Six mois plus tard, mon père mourut en pleine crise de delirium. Ce jour-là fut pour moi un jour de réjouissance. Je compris seulement bien des années plus tard qu’être orphelin n’est pas un sujet de joie.

Dès ce moment-là, mes espérances d’une vie meilleure s’écroulèrent. Mes frères plus âgés plongèrent dans l’alcoolisme l’un après l’autre. Ma propre mère se mit également à boire. Les multiples mauvais traitements qu’elle avait subis de la part de mon père contribuèrent à sa mort prématurée.

Pourchassé par la haine = condamné à haïr

Enfant, j’enviais mes camarades, particulièrement à cause de leurs jouets, et je tentais une approche pour m’en saisir. Si j’étais évincé malgré ma ruse, je prenais de force le jouet qu’on ne m’avait jamais offert. A l’école, nous les enfants de métayers, nous étions méprisés et tenus à l’écart, aussi bien par les camarades que par les maîtres. Je ne l’ai jamais oublié. Bien des années plus tard, je trouvai encore l’occasion de me venger brutalement de mes persécuteurs. Devenu adolescent, je portais toujours sur moi une arme blanche. Plus tard, je me suis procuré un pistolet. Il ne s’écoulait pas un jour sans que je sois mêlé à une beuverie suivie de bagarres. Ça me plaisait assez de me faire ainsi respecter par un grand nombre de villageois. En même temps, il m’apparaissait clairement que, de leur côté, les villageois me haïssaient. Ce n’est qu’aujourd’hui, devenu chrétien, que j’ai compris que c’est uniquement par Sa grâce que Dieu m’a préservé au milieu de tous ces dangers mortels, pour faire de moi un prédicateur de cette même grâce.

Ma vie n’avait pas de sens

Un jour, j’ai rencontré Svetlana, celle qui deviendra ma femme. Je lui ai raconté ma vie gâchée, mon passé de souffrance. Son histoire personnelle n’était guère différente de la mienne. Alors qu’elle n’était qu’une jeune enfant, elle fut “offerte” par ses parents à une voisine ivrogne. Par une nuit d’hiver, sa mère adoptive, une fois de plus ivre, resta allongée au sol. Quand Svetlana la découvrit, elle avait les mains et les pieds gelés, si bien qu’il fallut l’amputer. Elle dut la soigner quelques mois, jusqu’à sa mort.

Svetlana et moi, jurâmes de nous assurer une vie agréable. Mais je dus constater avec effroi que je ressemblais de plus en plus à mon père. Grâce à un traitement médical, je parvins à me libérer de l’emprise de l’alcool. Mais je tombais dans un autre extrême : je me mis à vendre de l’alcool à d’autres pour me faire de l’argent. Je résolus d’en vendre beaucoup afin de m’enrichir aux dépens des autres. Ma brutalité et la dureté de mon cœur ne firent que s’accroître.

Lors d’une dispute, je frappai mon propre frère à tel point qu’il resta dans le coma plusieurs semaines en service de réanimation. Tous mes proches m’abandonnèrent. Je me haïssais moi-même et ne pouvais comprendre pourquoi j’étais si brutal et si dur envers les autres. En réalité, j’aspirais de tout cœur à aimer ma femme et mes enfants, à être meilleur, mais, malgré mon bon vouloir, je n’arrivais pas à sortir de ce cercle vicieux. Dans mon désespoir, je résolus de m’ôter la vie et me pendis.

Lorsque je revins à moi, j’étais couché par terre avec un mal de crâne terrible et des douleurs cervicales. Au sol traînait la hache avec laquelle Svetlana avait coupé la corde. Elle se tenait à genoux à mes côtés et pleurait.

Conduit à prier Dieu

En 1999, j’entendis parler de Jésus-Christ pour la première fois. Au début, je ne croyais pas qu’une force supérieure pourrait m’aider, et je me moquais ouvertement du prédicateur. Cet homme me dit pourtant que je devais invoquer Jésus, l’appeler à mon secours lorsque je serais dans une impasse ou dans une situation sans issue. C’est alors, qu’une nuit, j’eus des cauchemars. Chaque fois, je me réveillais en sursaut et sautais du lit, en nage. Vers le matin, j’abandonnai le combat. Je tombai à genoux en tremblant et demandai à Jésus-Christ, un grand inconnu pour moi, de me sauver. Tout à coup, je sentis que j’étais enfin libre.

La vie nouvelle

Non, je ne suis pas devenu un homme nouveau sur-le-champ. Les vieilles habitudes revenaient de temps à autre, cependant Dieu commença à travailler en moi.

Au cours de l’année 2001, j’entendis parler d’une assemblée chrétienne à N., une ville située à 600 km de chez nous. Je m’y rendis seul et y cherchai du travail et un logement. Une première grande barrière devait, d’abord, être ôtée de mon esprit : dans mon pays on racontait tant de choses sur les chrétiens à vous donner le frisson !

Là, j’appris à connaître d’authentiques chrétiens. Auprès d’eux j’ai trouvé de l’amour et une paix protectrice, auxquels j’aspirais depuis mon enfance. Je fus imprégné de la Parole de Dieu et reçus mes premières leçons spirituelles. Bientôt, je fus baptisé et participai à des réunions d’évangélisation. Deux années passèrent ainsi.

Seul peut pardonner celui qui a reçu le pardon

Je n’avais pas compté sur le fait que Satan allait m’attaquer sur un nouveau plan. Eloigné de ma famille, à l’époque, je ne pouvais la visiter souvent. Mon absence allait être exploitée méchamment par des personnes mal intentionnées, qui répandirent sur moi de fausses rumeurs. On rapporta à Svetlana que j’avais trouvé et épousé une autre femme, et que je ne reviendrai plus jamais avec elle. Svetlana me devint infidèle. Des sentiments opposés combattaient en moi. Je voulais oublier Svetlana pour toujours. Cependant, en me souvenant que Dieu avait témoigné à mon égard tant de miséricorde, je résolus de rejoindre ma famille. Mon église m’accompagna par ses prières sur cette route. Arrivé devant la maison, je m’aperçus que Dieu m’avait donné la capacité de pardonner à ma femme.

La grande victoire de Dieu

Svetlana envisageait le pire lors de mon retour. Certes, elle ne comptait pas sur la possibilité d’une réconciliation. Lorsqu’elle s’aperçut du changement survenu chez moi, incompréhensible pour elle, il fallut peu de temps pour qu’elle aussi accepte Jésus-Christ comme son Sauveur. Et un an plus tard, nos aînés se convertirent également à Jésus.

Les habitants de mon village étaient, eux aussi, fort étonnés du changement survenu. Je leur parlai de Jésus-Christ, qui m’avait transformé en un autre homme. La plupart ne comprenaient pas. Quelques-uns me demandèrent, moqueurs, si j’étais prêt à tendre la joue droite si on me frappait sur la joue gauche !

Néanmoins, quelques personnes crurent à mon témoignage et devinrent croyantes. Depuis 2003, nous avons des cultes hebdomadaires dans mon village. N’oubliez pas que l’église la plus proche se trouve à six-cents kilomètres. Le chemin pour y parvenir n’est praticable qu’en hiver, quand les marécages sont gelés.

En 2004, j’ai été ordonné officiellement pasteur de notre église de maison. Actuellement le groupe compte douze personnes adultes et les enfants. Tous ces adultes sont baptisés, scellant ainsi leur décision de suivre Jésus-Christ. Nos réunions sont également fréquentées par quelques habitants du village, dont cinq se sont récemment convertis. Nous avons organisé un groupe d’adolescents et animons une école du dimanche pour les enfants.

Perspectives d’avenir

Dieu a rendu possible que je rencontre de nombreux frères et sœurs de différentes assemblées en Allemagne. Les encouragements reçus sont un grand soutien (c’est la première fois que je quitte mon pays).

Je comprends que mon Seigneur et mon Sauveur m’a racheté de la perdition afin que je le serve dans le Grand-Nord. En reconnaissance à son amour, je veux le servir dans une pleine consécration. Je remercie Dieu pour vos prières dans ce sens.

Témoignage d’Agit PAVLOV de NAMZY (Yakoutie)