donnez-leur vous-mêmes à manger

Conséquences des inondations et espérance consolante.

Voir aussi l’article : “Inondations dans le sud de la Russie”, dans “Le Messager”, N°117.

« Prends bien garde aux pattes de la panthère d’eau ! Si tu l’oublies et si elle t’attaque, tu as perdu. » (proverbe des autochtones de la région sinistrée)

Le souvenir de cette terrible nuit de ce mois de juillet des plus chauds, se dissipe de plus en plus. Cependant pour plus de 50 000 habitants de Krimsk – ville du sud de la Russie – il y a désormais un “avant” et un “après”. En réalité, cette nuit a été la dernière pour de nombreux habitants. Lorsqu’on annonce le nombre officiel de victimes : 171, les habitants réagissent, encore actuellement, soit par l’indignation soit par un sourire lassé. Pour eux, ce chiffre est considérablement sous-estimé. La vague géante a submergé plus de 5000 maisons et en a détruit un grand nombre. L’eau est arrivée à 2 heures du matin et elle en a surpris beaucoup en plein sommeil. Les dispositifs d’alerte n’ont pas fonctionné, parce que l’électricité avait déjà été coupée à 22 heures.

Avant d’atteindre la ville, la vague mortelle, quittant la vallée, s’est répandue sur une largeur de plusieurs kilomètres, emportant sur son passage tout ce qui n’était pas solidement arrimé : des ponts, des bâtiments, des voitures, des animaux et des piétons. C’était durant les vacances. Les photos aériennes prises les jours suivants montrent des images de dévastation.

Par deux fois, le président Poutine a visité la ville après la catastrophe. Il a ordonné de faire disparaître rapidement toute trace du sinistre. Un grand nombre de secouristes et des milliers de soldats se sont mis à la tâche à l’aide d’une quantité d’engins. Toutefois, le maire et le responsable de l’arrondissement ont été incarcérés parce qu’ils n’avaient pas averti la ville endormie.

Au pays des contrastes

L’appel, diffusé dans notre revue, à venir en aide aux victimes de l’inondation [Ndlr : aussi dans le bulletin français] a trouvé des cœurs compatissants parmi nos lecteurs.

Fin septembre, je me suis rendu à Krimsk au nom de la Mission. Cette date était souhaitée, car tout de suite après le sinistre, les secours avaient été très nombreux. Mais la détresse de ces personnes a été bien vite oubliée, chassée par des thèmes plus “actuels”.

Déjà dans l’avion, j’ai eu l’occasion de m’entretenir de la catastrophe avec deux voyageurs russes. J’ai pu leur parler de Jésus, notre espérance dans les pires dangers.

Dans la ville de Krasnodar, il faisait encore plus de 30° C. Durant six jours, j’ai accompagné Sergeï Kulkov, le responsable de l’église baptiste de Krimsk, avec sa Golf vieille de 14 ans, pour nous occuper de nombreuses tâches urgentes.

La région méridionale russe de Krasnodarskiy Kray se trouve au bord de la Mer Noire. Là se trouvent les contre forts du Caucase. Les paysages sont très beaux sur ce lieu de cure. Un été long et la douceur de l’hiver permettent de riches récoltes sur son sol fertile.

Mais la fracture sociale entre pauvres et riches est énorme. À Krasnodar, on trouve un grand nombre d’entreprises luxueuses appartenant à des ‘‘nouveaux riches’’ qui y mènent une vie d’excès. Leurs voitures ostentatoires nous ont souvent dépassés à gauche comme à droite. Sergeï m’a expliqué qu’il s’agissait d’anciens mafieux qui s’étaient fait de l’argent de façon obscure, mais qui maintenant gèrent leurs affaires de façon légale.

À l’opposé, les pauvres doivent lutter durement pour leur survie. S’ils ont la possibilité de se construire une maison, ils le font souvent avec des briques constituées d’un mélange de paille et d’argile. Ces constructions réalisées par eux-mêmes sont pratiquement gratuites, mais elles ne résistent pas à une inondation.

Deux mois et demi après la catastrophe

À Krimsk j’ai vu beaucoup de terrains autrefois bâtis et maintenant totalement vides. Les murs en briques d’argile, ramollis par l’eau, ont cédé sous le poids du toit, écrasant les habitants qui n’ont pas réussi à se dégager à temps.

Dans les petits jardins ouvriers, j’ai vu une épaisse couche de “miliouta” (boue charriée par le fleuve) séchée. La récolte est détruite. Beaucoup de personnes qui comptaient sur ces réserves pour l’hiver passeront une année très difficile.

Mais les routes ont été débarrassées des gravats. Le lit de la petite rivière qui traverse la ville a été nettoyé des arbres arrachés et autres objets qui l’encombraient. Ici et là, on aperçoit au-dessus de l’entrée d’une petite entreprise un panneau annonçant : « Nous avons réouvert ». Peu à peu, la vie reprend son cours habituel.

Quelques pelles mécaniques sont toujours au travail. Bien des bâtiments devront être démolis, car leurs fondations ont été ramollies et les risques d’effondrement sont grands. Sur certains portails, derrière lesquels on aperçoit des terrains dévastés, sont accrochés des petits panneaux. On y lit deux mots qui apportent un peu de réconfort au milieu de ce chaos : “Nous vivons !” (cf. photo ci-dessus). Un numéro de téléphone est indiqué pour joindre les personnes évacuées.

Avant d’entrer dans la ville de Krimsk, nous nous sommes arrêtés près “calvaire” en béton. Sur la croix, on peut lire la prière : “Seigneur, protège cette ville”. On trouve couramment de telles constructions à l’entrée des villes. L’Église Orthodoxe manifeste ainsi son pouvoir sur ces territoires. Elle considère les autres confessions comme indésirables, comme des sectes, des perturbateurs de “l’unité russe”. Toutefois, les églises de nos frères et sœurs sont encore tolérées.

De l’aide efficace

L’État a prévu une aide compensatoire pour les victimes de l’inondation. Mais pour beaucoup, il est très difficile de l’obtenir. D’abord parce que leurs papiers d’identité ont été perdus dans l’inondation. Ensuite parce que les tribunaux examinent de très nombreux dossiers et les tracasseries administratives durent plusieurs mois, voire des années…

Sergeï m’a parlé des besoins urgents de son église. Beaucoup ont perdu la presque totalité de leur bien ménagers. Nous nous sommes donc rendus dans un centre commercial où nous avons rempli le minibus des ustensiles indispensables. Puis nous avons apporté aux familles sinistrées des machines à laver, un réfrigérateur, des casseroles, des fours à micro-ondes, des couvertures chaudes et autres objets.

Nous avons rendu visite à deux églises baptistes de Krimsk. À l’une, j’ai pu remettre une partie des dons pour la rénovation de l’un des bâtiments et à l’autre de quoi installer une sonorisation. Cette deuxième église utilisera aussi une partie des dons pour l’évangélisation.

Remettre des dons produit toujours une double joie : celle des destinataires et celle des donateurs. Les donateurs, c’est vous, chers amis de la mission !

Fausse alerte

Quelques jours après la catastrophe, deux voitures aux plaques d’immatriculation illisibles ont parcouru Krimsk. Quelques hommes à leur bord criaient dans des mégaphones que la prochaine vague d’inondation était en train de dévaler de la montagne.

La panique se répandit comme une traînée de poudre parmi les habitants. Les yeux pleins d’effroi, des milliers de gens criaient : « L’eau arrive ! ». À moitié dévêtus, ils saisirent leurs enfants, leurs maigres biens et coururent sur les hauteurs. Quelques-uns grimpèrent sur les toits des maisons. Les routes furent encombrées de véhicules bondés de fugitifs. En moins de deux heures, la ville se trouva totalement vidée.

Au bout de quelques heures seulement, on comprit que c’était une manœuvre de quatre jeunes gens en vue de piller la ville. L’émotion des habitants était à son comble. Ils poursuivirent les provocateurs, les lynchèrent, puis détruisirent leurs voitures. La police est intervenue plus tard et a arrêté ces hommes.

Et la suite ?

Les familles éprouvées auront certainement encore besoin de plusieurs années pour cicatriser les plaies provoquées par cette vague dévastatrice. Mais il y a une chose que j’ai vue clairement : les chrétiens de Krimsk étaient et sont toujours courageux. Ils s’occupent des besoins de leurs compatriotes, et cela bien mieux que la plupart des autres habitants de la ville.

Les chrétiens ont aussi vu que cette catastrophe a réveillé en quelques incroyants le souci du salut de leur âme. Aussi est-il important de leur annoncer le salut en Jésus. Quelques-uns se sont mis à réfléchir et se sont convertis.

La Bible a prophétisé la venue des jugements de Dieu. Mais les chrétiens sont privilégiés, car ils ont la paix en Jésus malgré les catastrophes. Quoi qu’il arrive, ils savent que le nom de l’Éternel est une haute retraite. Le juste s’y réfugie et il est en sécurité. C’est vrai pour l’éternité. Le devoir de nos frères et sœurs à Krimsk est de répandre ce message. C’est justement maintenant qu’ils ont besoin de notre soutien dans la prière !

Eduard Ewert