Les oubliés de la Transcaucasie (Géorgie)
La Géorgie connaît un développement rapide sur le modèle européen. Mais elle reste un pays à part, car on y trouve encore des zones restées à l’écart de la “civilisation”. Dans ces contrées, les gens ne bénéficient même pas de la moitié des conditions nécessaires pour mener un mode de vie très simple. Jamais ils n’ont entendu parler de Dieu. Jamais ils n’ont reçu d’assistance, ni de l’État, ni de leur parenté établie dans d’autres régions du pays. Aussi les pensées de cette population tournent-elles sans cesse autour d’un seul sujet : que faire pour obtenir un bout de pain ?
Notre évangéliste Lévan Akhalmosulichvili nous explique qui ils sont et comment les atteindre. En effet, avec un groupe de chrétiens, il s’est rendu dans quelques-unes de ces contrées oubliées où il a pu parler de l’amour de Dieu aux gens qui y habitent, tout en soignant leurs corps en tant que médecin.
L’Adcharie, un pays accablé par des catastrophes naturelles
L’Adcharie est une région autonome du sud-ouest de la Géorgie, à quelque 500 km de mon lieu de résidence qui se situe dans l’est du pays.
Au début de ce siècle, des catastrophes naturelles ont contraint de nombreuses familles à quitter leur chez-soi dans les montagnes pour aller s’établir dans une région presque inhabitée du sud de la Géorgie. Là, avaient vécu des gens d'origine grecque qui, dans les années 1990, étaient parties à la recherche de conditions de vie meilleures et étaient retournées dans leur patrie historique ou avaient émigré en Russie.
Certes, le gouvernement avait promis aux Grecs en partance de racheter leurs maisons, mais il ne l’a pas fait.
Actuellement, certains de ces Grecs reviennent et essaient de vendre les maisons occupées par les gens venus des montagnes. Et si ces derniers ne sont pas en mesure d’acheter les maisons, on les met tout simplement à la rue.
Le Gouvernement adchare ne s’attendait pas à cette évolution des choses et n’a pas de plan pour résoudre le problème.
C’est un logement, pas un poulailler
Nous revenons souvent dans ce secteur, où l’on rencontre entre 8 et 10 000 migrants économiques.
Beaucoup d’entre eux logent dans de misérables cabanes qui ne méritent vraiment pas le nom de maison. Ce sont plutôt des appentis d’une taille de 3 m sur 3.
Quand nous avons aperçu ces hébergements pour la première fois, nous les avons pris pour des poulaillers.
Or là vivent des familles ayant jusqu'à 6 enfants.
Ces cabanes sont bricolées avec les matériaux les plus divers. Un mur peut être en planches, tandis que l’autre est en tôles… 90 % des gens y sont au chômage. L’État verse aux fa-milles une aide publique de 45 laris (env. 15 €), ce qui ne suffit même pas pour acheter leur pain.
Dans leur désespoir, les malheureux collectent tous les déchets tant soit peu vendables. La plupart pratiquent l’islam.
Les secours humanitaires, une passerelle vers les cœurs
Lorsque nous apportons des biens humanitaires, ils fondent en larmes en nous remerciant.
Ils acceptent tout, sans y regarder de plus près.
Ils sont reconnaissants pour la moindre petite chose.
La première fois, nous leur avions apporté 50 ballots de vêtements. Mais lorsque nous avons vu leur misère, j’ai demandé à la FriedensBote d’acheminer au plus vite tout un camion de vêtements.
Quelque 200 personnes ont pu bénéficier de ce nouvel “arrivage” de biens humanitaires.
Le mollah principal avait demandé à quelques hommes d’aider à la distribution, de sorte que tout s’est déroulé dans le calme et en ordre.
À la prochaine “livraison”, nous comptons encore y acheminer 50 ballots.
Nous leur avions expliqué que c’est l’amour chrétien qui nous anime et qui nous pousse à les aider.
Nous avons noué de bonnes relations avec cette population et disposons ainsi d’une bonne base pour le travail spirituel.
Échappés du génocide, mais personne ne veut d’eux
Tout à l’est du pays, à 500 m de la frontière avec l’Azerbaïdjan, se situe le village de Sabatlo.
L’un de nos frères l’avait découvert “par hasard” il y a trois ans.
Là, sont actuellement établies environ 600 familles arméniennes qui ont fui l’Empire ottoman, en 1912.
À l’époque, plus de 1,5 million d’Arméniens ont péri dans le génocide.
Des Arméniens survivants ont rendu cultivable ce pays désert.
Mais ici non plus on ne peut pas parler de civilisation.
Dans tout pays civilisé, l’État développe et renforce la zone frontalière. Ce n’est pas le cas en Géorgie.
À Sabatlo, ce sont les habitants eux-mêmes qui cultivent la zone frontalière, renforçant ainsi en même temps la frontière.
Le chef-lieu de l’arrondissement se trouve à 50 km. Les routes sont en mauvais état et la population ne dispose d’aucun moyen de communication pour se rendre en ville.
Il n’y a aucun magasin sur place et même l’école est en déshérence.
Alors que, pour un certain travail, un Géorgien reçoit 30 laris (env. 10 €) on n’en donnera que 15 à un Arménien miséreux. Pourtant, il accepte cette situation, n’ayant pas d’autre choix.
Au village la pauvreté est indescriptible.
Lors de notre première visite, les gens nous ont fait entière confiance : nous étions les tout premiers à leur apporter de l’aide. D’ailleurs notre disponibilité à les aider les intriguait beaucoup.
Christ bâtit son Église, aussi parmi des Arméniens
Nous sommes venus, ma femme et moi, avec une équipe médicale, et nous avons commencé par examiner les personnes âgées. Parmi elles certaines étaient aveugles ou malades. Personne n’en prenait soin. Depuis lors, nous visitons ce village régulièrement une fois par mois pour soigner les malades. Nous avons acheté pour 500 laris de médicaments et nous reconstituons les réserves après chaque visite.
Gevork, un jeune homme très actif, a appris à prendre la tension et nous lui avons expliqué comment et quand administrer les médicaments non soumis à prescription. Désormais, il visite chaque jour les villages voisins et il sait comment vit chaque habitant, de quel mal il souffre, qui est alité, etc.
En une année, un groupe de quelque 40
En une année, un groupe de quelque 40 personnes, intéressées à l’Évangile, s’est constitué dans ce village. Lors de chaque visite nous organisons aussi un culte, auquel participent au moins 30 personnes.
Nous assurons régulièrement un service médical et social dans cette région frontalière. S’y ajoute l’aide en produits alimentaires et humanitaires. Nous achetons régulièrement des vivres pour les familles qui vivent dans la plus grande détresse. Mais pour nous, et d’ailleurs aussi pour la population, le service le plus important est le travail spirituel. On nous y réserve un accueil très amical. Les enseignants viennent aussi écouter et laissent volontiers les enfants participer à l’instruction que nous leur apportons. Nous avons parfois jusqu'à 35 enfants à l’école du dimanche.
Premiers fruits réjouissants
Nous sommes profondément reconnaissants pour les fruits de notre travail, car, après deux ans d’engagement, nous avons pu baptiser 11 personnes l’été passé. Nos nouveaux frères et sœurs en la foi avaient été soigneusement préparés à franchir avec sérieux et conviction ce pas de suivre publiquement Jésus, devenant ainsi membres de l’église. Cette année aussi quelques personnes désirent être baptisées et sont en train d’étudier de plus près les bases de la foi.
Aujourd'hui, une église vit à Sabatlo et y organise des cultes, célèbre la cène et pratique un service diaconal.
Pour l’instant, les réunions sont encore assurées par quelques chrétiens de notre assemblée qui font le voyage chaque semaine. Ce sont un ancien de notre église, une sœur responsable de l’enseignement des enfants, mon fils et quelques chanteurs.
Un processus a été mis en place pour préparer certains membres de l’église à exercer eux-mêmes les responsabilités dans la suite. La jeune église est active et fait preuve d’un fort potentiel de croissance.
Les Arméniens comprennent bien le géorgien, mais une fois par mois nous demandons aux églises arméniennes de tenir des cultes en arménien à Sabatlo, ce qui fait grand plaisir aux participants.
Dans ces circonstances tout cela constitue un magnifique résultat.
Je ne m’attendais pas du tout à une chose pareille.
Je suis d’autant plus reconnaissant à Dieu d’être impliqué, avec bien des frères et sœurs de notre église, dans ce processus de croissance.
C’est de cette manière que nous sommes toujours à la recherche d’endroits où la Parole de Dieu n’a pas encore été annoncée.
Dans notre église la priorité des priorités c’est le travail d’évangélisation et le service missionnaire.
La gorge la plus mal famée de Géorgie
Un autre théâtre de nos actions est la gorge de Pankissi, à quelques 60 km d’ici, qui longe en parallèle la frontière entre la Géorgie et la Russie. Elle a environ 30 km de long et entre trois et cinq km de large. Dans la vallée de cette gorge se situent 16 villages habités par des Kistes, une ethnie apparentée aux Tchétchènes.
Il y a douze ans, nous avions déjà essayé de commencer un travail spirituel dans cette vallée. Mais à l’époque la situation était très tendue. La gorge était considérée comme le refuge des militants tchétchènes, en lutte pour l’indépendance de leur pays par rapport à la Russie. Après trois visites, nous avons dû mettre fin à notre travail, ayant risqué d’être assassinés. On nous a menacés avec des armes en nous prévenant que nous ne ressortirions pas une nouvelle fois vivants de la gorge…
Lorsque, après un certain nombre d’années, nous avons refait une tentative d’entrer en contact avec les gens de cette région, nous sommes venus avec des biens humanitaires. Tout a bien commencé, nous avions de bonnes relations avec la population. Même douze mollahs, chargés de la direction spirituelle de la gorge, sont venus vers nous. Tout en étant Tchétchènes, ils parlent géorgien et portent des noms géorgiens. Mais ils restent musulmans et ont une mentalité très belliqueuse.
Durant toute une heure, nous nous sommes entretenus cordialement et sommes tombés d’accord que nous pourrions les visiter de temps en temps. Nous avons pu échanger sur le fait que Dieu a tout créé et qu’il nous a envoyés pour les aider…
L’évangélisation se heurte aussi à des résistances
Mais brusquement des journalistes ont fait irruption et nous ont filmés sans notre autorisation. À ce jour nous ne savons toujours pas comment ils ont eu vent de notre visite et ont pu venir si vite dans ce village. Ils nous ont posé diverses questions captieuses et, le même jour, toutes les chaînes de la télévision géorgienne ont diffusé des émissions affirmant que des chrétiens étaient venus dans la gorge de Pankissi avec de mauvaises intentions. Des personnes d’expérience nous ont alors conseillé de ne pas réagir à ces émissions et de renoncer provisoirement à nos voyages dans la région.
Deux ans ont passé, et nous projetons d’engager une nouvelle tentative d’établir des contacts dans ces villages en apportant de l’aide humanitaire.
Il est très difficile de nouer des liens entre des chrétiens et des musulmans. Cela ne réussit que très rarement, mais nous pensons qu’avec une aide matérielle nous pourrons aussi apporter une paix spirituelle !
Fonder des églises en Géorgie occidentale
Il y a deux ans Dimitri est venu comme évangéliste en Géorgie. Il s’est rattaché à notre église ; nous prions pour lui et nous le soutenons. En Géorgie orientale on trouve de nombreuses églises indépendantes, en tout plus de 25 églises et groupes. En Géorgie centrale il y a bien trois ou quatre églises, mais l’Ouest est un désert spirituel : il n’y a absolument rien. C’est un territoire si athée que même les orthodoxes ont du mal à y prendre pied. Une moitié de la population est païenne, l’autre se considère comme athée. Certains, il est vrai, croient en Dieu, mais leur pratique de la foi fait plutôt penser à un culte païen. C’est pourquoi on n’y trouve aucune église.
Dimitri est Géorgien, mais il a vécu bien des années en Russie. Il a déclaré que son cœur saigne à la pensée qu’à Sugdidi, sa ville natale (à 320 km à l’ouest de la capitale, pratiquement au bord de la Mer Noire), il n’y a pas une seule église. Il a senti l’appel de Dieu dans son cœur à retourner dans sa patrie. Il était bien installé en Russie. Il y avait un commerce de pièces détachées pour automobiles, une maison à lui…
Il a tout quitté pour venir en Géorgie, où il n’a rien. Il habite dans une location, et il n’a pas de magasin. Son commerce, en Russie, il l’a remis à son neveu qui l’aide quelque peu. Pour l’amour du Seigneur Jésus Dimitri a accepté la dégradation de son statut social, mais il ne pleure pas sur sa vie passée. Nos Églises le soutiennent avec des produits humanitaires, des vivres et quelques finances. Cela nous est possible grâce au soutien reçu de la FriedensBote. Dieu merci, Dimitri n’a pas faim, il vit pour servir le Seigneur Jésus.
À son arrivée en Géorgie, il a dû constater qu’il avait pratiquement oublié sa langue maternelle et ne pouvait donc pas prêcher en géorgien. Il nous a alors demandé de l’aider. Pour cela, nous avons choisi le frère Sergueï G. et sa femme qui parlent un excellent géorgien. Le couple a trois enfants et il a déménagé à Sugdidi pour seconder Dimitri à y fonder une église. Deux personnes se sont déjà converties et aident au travail spirituel.
Pourquoi nous aidez-vous ?
J’ai conseillé aux frères de tenir tout de suite régulièrement des cultes, tant le dimanche qu’en semaine. Dieu prendra soin de faire venir des auditeurs. En plus des cultes, ils organisent aussi des colonies de vacances, en hiver et en été.
Nos paquets de produits humanitaires sont une aide précieuse pour le travail de nos frères. Les gens sont pauvres. Tous ceux qui sont en contact avec Dimitri reçoivent des colis : voisins, connaissances proches, parenté, camarades de classe, etc.
Chacune de ces deux dernières années la FriedensBote a envoyé trois camions d’aide humanitaire. Une proportion importante est envoyée à Dimitri. Quand les gens viennent chercher de tels biens, ils ne peuvent s’empêcher de demander : durant tous ces 20 ans, depuis l’écroulement de l’Union soviétique, pourquoi l’État ne s’est-il pas soucié d’eux ? Et pourquoi Dimitri le fait-il ? En réponse il dit les choses comme elles sont : il est chrétien et comme tel il compatit avec les personnes dans le malheur.
Dimitri explique que, au début, les gens se sont montrés agressifs envers lui, mais qu’à présent ils lui font confiance. Les voisins ont discuté entre eux à propos de lui et de ses parents, qu’ils ont connus autrefois ; ils sont parvenus à la conclusion que ce sont des gens de bien.
Dans cette région où vit Dimitri, l'existence est très difficile. Les résultats le confirment. Mais Dimitri est en train d’établir des passerelles vers les gens et de gagner leur confiance. C’est déjà largement réalisé et j’en tire la conviction qu’une bonne église va se développer sur place, en Géorgie occidentale.
Des colonies de vacances, un lumineux rayon de l’amour de Dieu
Ces cinq-six dernières années, le travail d’évangélisation parmi les enfants et les personnes socialement fragilisées se développe par des actions de compassion. Parmi elles, une place particulière revient au travail parmi les enfants. Celui-ci comprend deux volets : le premier c’est la conduite de colonies d’enfants en été, le deuxième, ce sont les fêtes organisées à Noël et à Pâques.
Lors des colonies d’été nous attachons une importance spéciale aux enfants issus de familles non chrétiennes. Leur proportion s’élève à 40 %. Nous avons actuellement deux centres de vacances : l’un au bord de la Mer Noire, l’autre en Géorgie orientale, au village d’Utchatani. Il y a là une assez grande église qui peut offrir aux enfants toutes sortes de possibilités : un petit terrain de foot, un trampoline et même une piscine. Cela plaît beaucoup !
Les colonies durent six jours, les parents pouvant assister à toutes les activités des enfants. Un peu à l’écart, ils nous voient jouer avec eux et leur présenter la Parole de Dieu. Il y a quelques années, les parents étaient très méfiants et ne laissaient venir les enfants qu’à contre-cœur. Mais notre réputation s’est peu à peu améliorée et, à présent, c’est avec plaisir qu’ils nous les envoient. Il y a même eu des cas où les parents étaient mécontents que nous n’ayons pas pu accueillir leurs enfants. Ils ont demandé quand viendrait le tour des leurs !
Il y a dix ans, nous avions de la peine à réunir 120-150 enfants, l’an passé ils étaient 365 et même plus. Il y avait encore d’autres intéressés, mais il ne restait plus de place. Cela nous a conduits à acheter un terrain en Géorgie centrale, près de la ville de Gori. Désormais les enfants n’ont plus besoin de faire de longs trajets. Et pour en accueillir un maximum, nous organisons quatre ou cinq sessions à chaque endroit. Nous avons également quatre ou cinq camps pour adolescents au bord de la Mer Noire.
Géorgie orientale les églises rassemblent des enfants de diverses localités et organisent des colonies de vacances. Cela leur donne la possibilité d’y constituer par la suite des écoles du dimanche.
Cette année nous avons connu des difficultés financières.
Naguère les moyens nous suffisaient et nous permettaient même d’acheter des équipements pour le sport. Mais la demande pour les colonies s’est développée et avec elle les frais. Nous utilisons aussi une partie des moyens pour la construction du centre de vacances en Géorgie centrale.
Lévan Akhalmosulichvili