donnez-leur vous-mêmes à manger

En Ouzbékistan, Dieu agit malgré les persécutions

Dans certaines de nos précédentes éditions (cf. 2/2008 et 2/2009), nous avons relaté les circonstances dramatiques de nos frères et sœurs en Christ en Ouzbékistan. Nous continuerons à décrire l’évolution de leur situation afin de vous permettre de prier pour eux avec plus de précision et de les soutenir.

D’autres mœurs, une famille pourtant

Dans la froideur d’une matinée de décembre, l’avion atterrit à l’aéroport de la capitale Tachkent en Ouzbékistan. Très rapidement, j’étais attablé chez mon ami et j’ai pu apprécier l’hospitalité ouzbek autour d’une table bien garnie. Il n’était guère possible de se reposer ce jour-là. Avec d’autres pasteurs qui œuvrent dans différentes régions du pays, nous avons planifié l’emploi du temps.

La route dans la vallée de Fergana conduit à un col enneigé. Bien avant que nous n’atteignions ce col, nous pouvions voir l’inscription “interdiction de photographier”. J’ai donc caché mon appareil photo. La milice est présente partout et il est préférable de ne pas la provoquer. Après deux heures de route, le paysage était de nouveau déneigé. Notre premier arrêt était dans la petite ville de S.

Les frères et sœurs nous attendaient déjà et la table basse était richement garnie. Le point culminant du repas était le plov, une préparation orientale réservée pour les fêtes, composée de riz et de viande. À table, l’invité de marque ne doit pas remarquer que son hôte est regardant ou économe. Le coût pour un tel repas d’accueil peut certes peser sur les finances de celui qui invite pendant quelques mois, la coutume est ainsi et on s’y tient.

Après la prière à table en langue ouzbek, certains me regardaient avec insistance. Je n’ai pas compris ces regards jusqu’à ce que mon ami m’explique : « Tu es la personne la plus âgée et en plus tu es l’invité, c’est toi qui dois commencer ! »

Être ensemble à table est d’une grande impor-tance en Ouzbékistan. Les sujets les plus sensibles y sont abordés. On ne peut pas utiliser son téléphone portable, car les autorités peuvent en intercepter les conversations. Pendant cette communion fraternelle, j’oubliais souvent que mes interlocuteurs étaient Ouzbeks, Tadjiks, Casaques et Coréens. Le Seigneur avait fait de nous une famille !

Qu’importe les persécutions

Plus j’apprenais à connaître mes frères et entendais leurs témoignages personnels, plus il m’apparaissait clairement que leurs conversions sont de véritables miracles, bien plus grands que la mienne. Un ancien musulman a plus d’obstacles à franchir que nous, allemands ou français. Parler de Jésus n’est pas simplement un thème étrange pour un musulman, c’est un sujet qui irrite méchamment.

Après sa conversion, un musulman doit s’attendre à des persécutions de plusieurs ordres :

-   L’État accroît les difficultés pour un musulman de naissance. Parmi les lois de cette dernière année qui ont été durcies sur l’interdiction du prosélytisme, s’ajoute l’arbitraire des autorités locales.

-   Les islamistes maudissent le chrétien, le considérant comme un traître vis-à-vis de sa croyance, et ils commencent une battue, une chasse contre lui.

-   Les voisins et collègues l’insultent et le raillent.

-   Ceux de sa famille rejettent le nouveau converti. Si les menaces – pouvant aller aux menaces de mort – ne suffisent pas, ils le déclarent comme mort.

Un film très provocateur et méchant a été projeté à la télévision chaque soir et pendant une longue période ; il s’intitule “Dans les griffes de l’ignorance”. Les chrétiens évangéliques y sont dépeints comme des êtres sectaires, ennemis et très dangereux. On y dénie littéralement à un ouzbek le droit d’être appelé un ouzbek, uniquement du fait de sa conversion.

Pourtant, malgré les nombreuses peines qu’ils endurent, mes nouveaux compagnons rayonnent de joie. Il était intéressant pour moi d’entendre, dans pratiquement chaque témoignage, toujours la même phrase : « Je te cherche, mon Dieu ! ». Ici se réalise la promesse de Dieu selon Jérémie 29.13-14 : “… et vous me chercherez, et vous me trouverez, car vous me rechercherez de tout votre cœur, et je me ferai trouver de vous, dit l’Éternel ». Quand celui qui cherche trouve le Père, il garde ses convictions les plus profondes. Le Seigneur lui donne la force pour surmonter l’opposition.

1. Malgré une affection cardiaque et un attentat (témoignage)

Ikram, 20 ans, un jeune chrétien assez chétif, raconte :

Je suis né avec un problème cardiaque et les médecins ne me prédisaient pas une longue vie. Mes parents priaient le mollah de bien vouloir me donner un autre nom ; on croit qu’ainsi les mauvais esprits quittent les malades au travers des yeux.

Je suis resté malade, cependant, à cause des agissements du mollah, j’étais comme lié à lui. Il voulait m’avoir à son service, car j’étais bon à l’école.

À 17 ans, j’ai entendu parler de Jésus pour la première fois et je l’ai accepté dans mon cœur. Deux semaines plus tard, j’ai osé confier à mes parents que j’étais devenu chrétien. Mon père m’a battu, m’a enfermé dans ma chambre et m’a obligé à lire le Coran. Depuis ce jour, je me rends secrètement au culte chrétien.

Mon père avait une mauvaise habitude : s’emparer d’un couteau lorsqu’il était saoul. À l’automne 2008, il rentre ivre à la maison. Il ferme la porte derrière lui, m’observe d’un regard cinglant et demande : « As-tu obéi à mon ordre et as-tu renié ce Dieu russe ? » Je réplique : « Je ne peux pas. » Le père s’écrie aussitôt : « Tu es un hérétique, tu as trahi nos croyances ! », et il lance sur moi le gros couteau de cuisine. Le couteau dévie de sa trajectoire et s’enfonce dans le sol. De même pour le second couteau qui finit au même endroit. Dieu n’a pas permis l’irrémédiable, cependant dans sa fureur, mon père se saisit à nouveau du couteau et veut frapper.

Je saisis la porte et m’enfuis de l’appartement qui est au troisième étage. Mon père me rattrape dans l’escalier et me frappe du poing. C’était trop pour mon cœur, je m’écroule inconscient. En revenant à moi, j’ai vu deux médecins et quelques personnes autour de moi...

Mon père a repris ses menaces de mort peu de temps après. L’hiver dernier, il est revenu, à nouveau ivre, et il a chassé toute la famille de l’appartement (j’ai encore deux frères et sœurs), disant : « Disparaissez tous, aussi longtemps que Ikram n’a pas renié le Dieu des Russes !» Ma mère, qui à l’époque n’était pas chrétienne, mais qui était aussi souvent violentée par le père, a pu se séparer de lui.

2. Un service dangereux

Ma maladie de cœur me donne souvent du souci. Évidemment, je ne peux pas porter de charges lourdes. Le Seigneur m’a pourtant confié des services importants. Je suis actuellement engagé dans une mission parmi les jeunes. Dans la communauté, je participe aux chants et je conduis un groupe de maison. Notre communauté est composée de sept groupes qui se réunissent chacun en secret dans un appartement. Chaque groupe a environ 5 à 6 personnes. Notre témoignage pour Jésus n’est pas sans risque. Il n’y a pas si longtemps, je parlais de Jésus à d’anciens camarades de classe. Ils avaient bu et ils m’ont battu.

Je suis souvent en déplacement pour rendre visite aux frères et sœurs. De plus, je connais la langue des Tadjiks et je me rends dans les villages où sont les réfugiés. Souvent, les relations entre hommes sont très brutales. Quelqu’un peut disparaître sans laisser de trace. C’est dangereux aussi pour moi, mais je sers mon Dieu. Je suis heureux qu’Il puisse m’utiliser.

Ma mère, ainsi que mon frère et mes sœurs se sont convertis ; malheureusement, mon frère a fait de nouveau marche arrière. S’il vous plaît, priez pour nous ! »

 

Chers amis de la Mission, nous ne pouvons pas citer certains noms de lieux ou de personnes pour des raisons évidentes. Ikram est l’un de ceux que nous voudrions soutenir dans son action. Nous serions heureux de savoir que quelqu’un le soutient dans ses besoins matériels et prie pour lui. Il en est de même pour Fatima… »

À suivre...

 

P.-S. : Concernant la situation en Ouzbékistan, voici des nouvelles provenant d’une lettre que nous venons de recevoir d’une communauté de Samarkand, non ouzbek : « Après ces dernières fêtes de Noël, la Sécurité intérieure dérange à nouveau les cultes de façon musclée. Ils emmènent tous les Ouzbeks au poste de la milice et ne les relâchent qu’après plusieurs heures d’interrogatoires et de menaces. On exige de nous d’interdire l’accès aux cultes aux Ouzbeks et aux enfants. Chacun de nos faits et gestes est surveillé. Priez pour nous. »