donnez-leur vous-mêmes à manger

Là où l’haleine givre

Dieu pourvoit au remplacement

NDLRW précédents récits:
Avril 2008; Avril 2009; Janvier 2010; Juillet 2012

Cette année, le septième voyage missionnaire dans l’Arctique à bord du “Chasseur” a dû être annulé peu après le départ. En effet, le tout-terrain a versé dans un virage dangereux, et a dû passer au garage pour d’importantes réparations. Heureusement, aucun membre de l’équipage n’a été blessé. C’est tout de même un miracle de Dieu que les missionnaires aient été protégés durant tous les périlleux voyages au cours de ces huit dernières années.

Mais il faut continuer de visiter les habitants de ces contrées rudes et inaccessibles. Et Dieu a mis à cœur à d’autres personnes d’effectuer le voyage dans ce grand nord-est de la Sibérie. Valéry Balachov de la ville russe de Novomoskovsk, avec qui nous sommes en contact étroit, a entrepris le voyage avec cinq autres frères – dont un médecin et trois pasteurs – vers ces petits peuples dispersés du Nord. Valéry raconte :

Vers ceux qu’on atteint difficilement...

Le seul objectif du voyage était d’atteindre des gens dans les régions les plus reculées de l’extrême nord-est, qui n’ont pas encore entendu parler de l’Évangile. Il s’agit des villes de Magadan et Évensk, et leurs environs près de la mer Okhotsk.

Dans les localités visitées se trouvent des descendants de cosaques russes venus s’y établir à la fin du 17e siècle. Il y a aussi les descendants de criminels et d’opposants politiques au régime russe qui y furent bannis. Le troisième groupe d’habitants se compose de différents petits peuples, en partie nomades et très dispersés : les Évènes (ndlr : proches des Évenks) et les Koryaks.

Notre chargement était essentiellement composé de Nouveaux Testaments et de diverse littérature chrétienne. Les croyants de Tchita avaient préparé des paquets de victuailles destinés aux personnes pauvres des régions les plus reculées.

Des pannes de véhicules par le gel et des tempêtes de neige

Le 3 février, nous sommes partis de Tchita avec deux camions tout-terrain lourdement chargés. Nous savions quelles difficultés nous attendaient, mais celles-ci ont dépassé notre imagination. Plus nous nous dirigions vers le nord, plus il faisait froid. La température est tombée à -50°C après 1300 km de route. Le chargeur du turbo de l’un des véhicules a cessé de fonctionner à cause du froid ; grâce à Dieu, nous étions seulement à 10 km de la ville du district yakoute de Neryungri. Là, nous avons fait la connaissance d’Alexeï, le chef d’un atelier de réparation.

Alexeï a compris les buts de notre voyage et il était prêt à nous aider. Après avoir garé les véhicules dans son garage chauffé pendant la nuit, nous avons discuté de la Bible jusque très tard dans la nuit. Le lendemain, il nous dit : « Vous n’avez pas besoin de me payer, c’est ma façon à moi de vous aider. » Nous avons remercié Dieu pour Alexeï et prié pour sa conversion.

Dans la région d’Oïmyakon se trouve le pôle du froid de la terre ; le thermomètre descend à -62°C. Parfois, nous avons dû réchauffer les roulements à bille avec un réchaud après une courte pause, car la graisse gelée bloquait les roues !

Dieu merci, après le passage des cols de la montagne de Verkoyansk, c’est redevenu “très” chaud : -10°C ! Mais ce climat plus tempéré apporta d’autres difficultés : des tempêtes de neige et un épais brouillard. Les chauffeurs des gros camions, très chaleureux, nous disaient que notre voyage était une pure folie. Avec nos “carottes”, comme ils nommaient nos camions, nous ne parviendrions pas à Évensk. Un ouragan de neige était aussi annoncé.

En fait, ces prophéties pessimistes nous donnèrent plus de soucis que les réelles difficultés rencontrées. Nous avons prié Celui qui a dit : « Y a-t-il une chose qui serait trop difficile pour moi ? » (Jér 32.27), et avons poursuivi notre route pleinement confiants en Dieu. Il a fallu un jour et demi pour parcourir les 300 km suivants. Les deux véhicules devaient régulièrement se dégager mutuellement à l’aide du treuil. Souvent il fallait déblayer le chemin à la pelle.

Au bout d’une semaine, nous avions franchi le premier parcours de 4200 km. Rarement nous pouvions dormir dans le calme. On se passait le volant à tour de rôle pour rouler jour et nuit.

Un véhicule tout-terrain à chenille pour atteindre les élevages de rennes

Nous nous sommes réjouis d’arriver à Évensk. Une petite assemblée de chrétiens koryaks nous y attendait. Ils mirent un véhicule tout-terrain à chenille à notre disposition pour poursuivre notre mission dans cette région impraticable. Mais il fallait d’abord le réparer. Heureusement, nous avions un bon mécanicien avec nous. Le reste de l’équipe a profité de ce temps de réparation pour se reposer.

En plus de nos bagages, il fallait emporter une réserve de 1000 litres de carburant avant de nous engager dans une toundra à perte de vue et sans aucun chemin tracé. Le sol était des plus accidenté et nous avons été terriblement secoués. Parfois, parcourir quelques kilomètres prenait plusieurs heures. Sur certaines rivières, la glace était trop fine pour supporter les 11 tonnes de notre véhicule. Quand on s’est enfoncés dans un ruisseau au fond plat, nous n’avons pu nous en dégager qu’à l’aide de troncs d’arbres. Le véhicule était déjà très vieux et il nous a réservé toujours de nouvelles petites pannes. On a roulé ainsi sur 400 km.

Quelques personnes vivent ici de l’élevage du renne et de la chasse. Auparavant, il y avait des troupeaux énormes avec près de 40 000 bêtes, mais il en reste à peine aujourd’hui. Les anciens se souviennent qu’ils partaient pêcher la baleine en mer, mais ce temps-là est bien révolu. Aujourd’hui, les éleveurs de rennes vivent avec leurs familles dans des conditions primitives et très rudes dans des yarangas, genre de tente faite de peaux de renne et de bâches. Ils se chauffent avec un petit poêle placé au milieu de la tente. Certains chauffent leurs habitats directement avec un foyer à feu ouvert, sur lequel ils cuisinent.

Les enfants vont à l’internat pour bénéficier au moins d’une formation de base. Mais celle-ci est souvent bien insuffisante. Dans un des camps, nous avons croisé uniquement quatre écoliers qui étaient enseignés dans toutes les matières par Galina, une institutrice âgée de 60 ans.

Quand la méfiance disparaît

Nous avons souvent traversé des localités abandonnées, avec des maisons en ruines. Malgré la difficulté rencontrée pour atteindre les maisons encore habitées, à cause des congères de neige accumulées par le vent, nous ne voulions en manquer aucune.

Au début, les Koryaks et les Évènes étaient méfiants à notre égard. Quand, apprenant que nous ne voulions pas nous approprier leurs biens, mais, au contraire, que nous avions fait ce long chemin uniquement pour leur parler d’un Seigneur et Sauveur qui les aime, ils nous accueillirent très amicalement et nous offrirent l’hospitalité en nous servant de la viande de renne.

En retour, nous avons partout distribué des paquets de provisions, des calendriers, des Nouveaux Testaments, de la littérature pour enfants et des radios à batteries solaires pour capter les émissions chrétiennes. Ils étaient très contents et reconnaissants. Nous les avons ensuite invités à la salle communale, où ils sont venus alors même qu’il n’y avait pas de chauffage – il ne faisait que -5°C à cette époque de l’année !

Chez ces peuples du Nord, il est d’usage de raconter des histoires sous forme de chansons, de sorte que nos cantiques furent bien accueillis. Nous leur avons présenté le chemin qui mène à Jésus de manière très simple, et donné nos témoignages, expliquant comment Jésus-Christ avait transformé nos vies.

Beaucoup de personnes entendaient parler de l’Évangile pour la première fois. Mais Galina, l’institutrice, raconta que Dieu lui avait déjà envoyé des chrétiens à un moment où, comme maintenant, elle souffrait de pensées suicidaires.

Les gens étaient heureux de pouvoir s’exprimer et de voir que quelqu’un était prêt à écouter leurs problèmes. Partout, nous avons prié pour eux et avec eux pour qu’ils trouvent le salut et la paix en Jésus-Christ, et pour que Dieu les bénisse. Certains ont ouvert leur cœur, des larmes aux yeux. Nous croyons et prions que la graine semée germera dans leur cœur à plusieurs.

La vie sans espoir pousse la grande majorité des Koryaks et des Évènes dans la dépendance à l’alcool. L’un des élus de la localité nous a chaleureusement remerciés pour tout ce que nous avions pu faire pour les villageois, ajoutant : « Les chrétiens sont les seuls qui s’occupent encore de ces villages oubliés. »

Nouvelles luttes contre des amas de neige

D’Évensk, nous sommes repartis vers Magadan avec nos deux véhicules, devant bientôt affronter de très fortes chutes de neige. Nous avons prié pour notre protection sur ce chemin montagneux et dangereux. À un endroit, l’un des véhicules a quitté la route, restant bloqué dans une congère ; en essayant de tirer l’engin de là avec l’autre véhicule, nous avons rompu le câble métallique ; que faire ? C’est alors qu’un gros tracteur nous a rejoints. « C’est Dieu qui t’envoie ! » avons-nous dit au conducteur. Il répondit : « Que oui ! Je vous voyais depuis l’atelier où je travaille, et une idée m’est passée par la tête : “Ils ne passeront jamais par là, tu dois les suivre !” Je ne sais pas d’où m’est venue cette pensée, mais je m’y suis soumis. » Il remorqua nos deux véhicules sur plusieurs dangereux tronçons de la route. J’étais assis dans la cabine et je pouvais lui parler du salut en Christ.

Quelques heures plus tard, c’est une avalanche qui nous boucha le chemin sur une distance de 2 km. Il neigeait si fort que nous nous sommes retrouvés prisonniers avec quelques autres voitures sous une énorme quantité de neige. Il arrive souvent que les voyageurs passent plusieurs jours à attendre les secours. Le danger est de mourir de froid... Nous avons informé nos amis par un émetteur radio et ils ont prié pour notre survie. Dieu a entendu les prières ; après huit heures d’attente, un engin à chenille est venu pour dégager un couloir dans la masse neigeuse.

Le prix élevé pour la fidélité

La petite église de Magadan (ville de 102 000 habitants) s’est réjouie de notre visite. Les visiteurs sont rares ici aux limites de la civilisation. Nous les avons encouragés par nos chants, nos témoignages et des exhortations à vivre dans la communion avec le Seigneur Jésus. Ils nous ont offert l’hospitalité avec du thé et des spécialités de cet Extrême-Orient. Par ces contacts, nous avons beaucoup appris sur l’histoire des chrétiens de ces contrées si inhospitalières et rudes. Ils avaient dû payer au prix fort leur fidélité au Seigneur Jésus. La petite fille d’un prédicateur, mort ici à Magadan, nous a rapporté que son grand-père avait été condamné à 16 années de prison pour avoir annoncé l’Évangile. Après 10 années de détention, on lui avait proposé la liberté s’il abandonnait sa foi ; il avait répondu : « Christ a payé pour moi un prix très élevé ; je ne peux pas le renier ! » Sur quoi les officiers lui dirent que, dans ce cas, lui aussi aura à payer un prix élevé. Sa peine fut prolongée de 10 années de travaux forcés. Il a été libéré à la mort de Staline. Mais sa santé s’était terriblement dégradée au Goulag et il mourut peu de temps après sa libération. Malgré ses faiblesses corporelles, il possédait pourtant ce que ses tortionnaires n’avaient pas : la liberté en Christ !

Il faut rappeler que les 2002 km de la longue route entre Magadan et Yakoutsk, que nous avons empruntée, avait été construite en grande partie par des prisonniers du Goulag. On la nomme la “route de la mort”, car plusieurs milliers d’hommes y sont morts. Leurs cadavres étaient tout simplement enfouis sous l’asphalte. Tout le long de cette route, on voit encore les ruines des baraquements de ces prisonniers. Nous ne savons pas combien de chrétiens sont du nombre des victimes, Dieu seul connaît leurs noms. Nos frères et sœurs ont dû endurer le froid, la faim et un travail inhumain. Mais Dieu leur avait donné une espérance vivante et la force pour tout surmonter. Aujourd’hui, c’est à nous de prouver notre fidélité envers Jésus. Nous voulons mettre à profit cette liberté et obéir à l’ordre missionnaire que Christ nous a adressé. Il est très important d’apporter la bonne nouvelle de l’Évangile du salut à ces personnes captives des chaînes des démons et de l’alcool.

Le retour et le bilan

Après avoir visité diverses églises et groupes dans et autour de Magadan, nous avons pris le chemin du retour vers nos familles, et nos églises qui avaient prié pour nous et qui nous attendaient.

Au total, nous avons parcouru 11 400 km, et distribué 1500 Nouveaux Testaments ainsi que d’autres imprimés. En plusieurs endroits, les gens ont entendu parler de l’Évangile pour la première fois de leur vie.

Nous pouvons porter un regard en arrière avec reconnaissance et nous émerveiller de la grandeur de notre Dieu. Toutes les difficultés rencontrées, Il les tenaient entre ses mains. Nous sommes heureux que Dieu nous ait appelés à son service.

Merci à tous ceux qui nous soutiennent. Nous pensons déjà au prochain voyage. S’il vous plaît, priez pour que cela se réalise !

Valery Balachov