donnez-leur vous-mêmes à manger

En plein dans le chaos de la guerre

Que deviennent les chrétiens dans le territoire en guerre de l’Ukraine orientale ?…

… C’est une question qu’on nous pose de plus en plus souvent.

Cette année, la mission Messager de la paix a déjà fait parvenir dans la région en crise quatre camions de biens humanitaires, de publications à distribuer, ainsi que des Nouveaux Testaments en russe et en ukrainien. Nous prévoyons de nouveaux acheminements d’aide, mais aussi des mesures d’assistance aux églises locales en vivres pour les réfugiés et la population. Nous disons notre sincère reconnaissance à tous ceux qui prient pour les projets “Aide aux réfugiés” et “Nouveaux Testaments pour l’Ukraine”, et qui nous soutiennent dans leur mise en œuvre.

L’article ci-dessous donne une idée de ce que des témoins oculaires et des chrétiens vivant dans la région en crise ont communiqué à notre correspondante Oléna Gula.

Voici quelques aperçus du travail de nos frères et sœurs de la ville de Krasny Loutch, dans le secteur de Lougansk :

Secourir ceux qui ont faim

Après les combats qui se sont déroulés ici l’été dernier, notre vie d’église est devenue de plus en plus difficile. À plusieurs reprises, des unités armées de Cosaques ont menacé de confisquer le bâtiment de notre église. Une grande partie de la communauté a quitté la localité. Mais quelques frères et sœurs ont eu la conviction que leur place était ici et sont restés en ville en se confiant à la protection de Dieu. Cela nous a fortement encouragés, car c’était juste le moment où beaucoup de gens en détresse sont venus nous demander du secours.

Les banques, les entreprises et les mines de charbon ont fermé. Les gens se sont retrouvés sans travail et donc sans argent. Les plus touchés étaient les retraités : tout d’abord, ils ne perçurent plus leur retraite que partiellement, puis plus du tout. Ils ne pouvaient donc plus acheter ni vivres, ni médicaments. L’arrivée de l’hiver ajouta le problème supplémentaire du froid : les gelées devenaient de plus en plus fortes et les provisions diminuaient rapidement. Cela affecta en particulier les chrétiens, parce qu’ils avaient déjà partagé et utilisé leurs réserves avec les gens en détresse. Mais c’est juste à ce moment-là que, grâce à votre aide, nous avons expérimenté la bonté de Dieu d’une manière particulière.

Du chauffage pour ceux qui ont froid

Votre assistance nous a permis d’acheter 60 tonnes de charbon que nous avons pu distribuer aux familles nécessiteuses. Les mots nous manquent pour dire la joie et la reconnaissance des gens émus aux larmes. Certains nous ont dit que c’était la réponse à leurs prières.

Par ailleurs, nous avons acheté des vivres, des médicaments et des vêtements chauds. Sans ce secours plus d’un n’aurait plus vu le printemps. Malheureusement cette situation de détresse demeure actuellement et il reste toujours beaucoup à faire.

Un abri pour les sans-logis

Un nombre croissant de gens viennent des régions en guerre et nous demandent de les héberger. Nous envisageons de réparer quelques maisons abandonnées et pas trop gravement endommagées.

Des lumières dans les ténèbres

Notre plus grande joie, c’est de voir maintenant nos cultes fréquentés par beaucoup de monde qui jusque-là n’avait aucun contact avec Dieu et sa Parole. Ils sont dans des situations très dures et cherchent paix et réconfort. Cela nous permet d’obéir à la volonté de Dieu, en “donnant de notre pain à l’affamé, en nourrissant les pauvres gens, pour que

notre lumière se lève dans l’obscurité et que notre nuit resplendisse comme le plein jour” (Ésaïe 58.10).

Chers frères et sœurs, nous vous remercions de tout cœur pour vos prières et votre soutien financier ; c’est un miracle de Dieu dans notre vie et dans celles des gens en détresse.

Natif de la région d’Odessa, Pavel est venu à 34 ans  dans la ville de Donetsk, en Ukraine orientale, pour y fréquenter une école biblique. Il raconte :

Vivre sur un baril de poudre

Lorsque, en 1994, nous avons annoncé l’Évangile dans les localités autour de Donetsk, il se constitua au village de N. un groupe d’étude biblique que j’ai régulièrement visité en fin de semaine.

Avec le temps, la lecture de la Bible a amené un nombre croissant de personnes à la foi en Jésus-Christ. Avec ma famille nous nous sommes établis dans ce village et je suis devenu le pasteur de cette nouvelle église. À l’époque, nous avions six enfants : deux fils et quatre filles.

Avant la guerre, déclenchée l’an dernier, notre église comptait déjà 90 membres. Mais à présent beaucoup ont quitté la région pour sauver leur vie et ont fui à l’ouest du pays. La raison en est l’attitude envers les chrétiens des nouveaux dirigeants militaires en Ukraine orientale. Depuis la fondation de la soi-disant “République populaire de Lougansk et de Donetsk”, les chrétiens de toute dénomination en dehors de l’Église orthodoxe russe sont l’objet d’énormes pressions.

Depuis avril 2014, plus de 20 maisons de prière, d’églises, de centres de réhabilitation et de maternelles chrétiens sont occupés par le nouveau pouvoir et utilisés pour les opérations militaires ou ont été endommagés par des tirs d’artillerie. Plusieurs pasteurs et collaborateurs dans les églises ont été arrêtés, battus et dépouillés de leurs biens.

Dans “l’antre des lions”

Je n’y ai pas échappé non plus. Mais je remercie Dieu de m’avoir gardé en vie. Voici comment cela s’est passé :

J’étais chauffeur dans un service de messagerie et je roulais vers Donetsk. Soudain, je me suis vu suivi par une voiture avec des feux clignotants, comme en utilisent les rebelles. Quelque chose n’était pas normal. J’ai prié et ai vite appelé ma femme au téléphone, juste avant d’être dépassé et serré sur le bas-côté.

Plusieurs hommes surgirent, armés de fusils d’assaut et de grenades. Ils m’ont arraché de ma voiture et ont exigé mon permis de conduire, ma carte d’identité et les papiers qu’ils se sont mis à feuilleter. S’apercevant que j’étais originaire de la région d’Odessa, ils m’ont confisqué mes papiers.

Quand je leur objectai que cela faisait 20 ans que j’habitais le secteur de Donetsk, ils m’ont simplement dit : 

– Suis-nous au quartier général du service de sécurité, là on aura vite fait de voir qui tu es vraiment.

– Mon chargement consiste en médicaments pour diabétiques. Il faut que je les livre d’urgence à Donetsk.

– Si tu ne nous suis pas de ton plein gré, nous t’y amènerons de force et tu te retrouveras à la cave. Tu sais ce que ça veut dire ?

Je le savais effectivement : de cette cave du service de sécurité on ne sort que porté par d’autres, à moins qu’après les coups et la torture on puisse encore se traîner dehors soi-même.

Es-tu vraiment chrétien ?

À notre arrivée au quartier général, le chef du groupe entra. Les autres restèrent avec moi dans la voiture, m’interrogeant comme si j’étais un espion et me demandant pour qui je travaillais et bien d’autres choses encore. Comme je savais que toute justification était de toute façon sans effet, je me suis tu. Puis une idée m’est venue : je leur ai demandé si je pouvais enclencher mon lecteur de cassettes. Ils me l’ont permis.

En entendant la musique paisible, ils se sont eux-mêmes calmés. Le texte du chant disait :

Longtemps j’ai erré dans les ténèbres,
De-ci, de-là sur les chemins du péché.
Le monde m’a trompé,
Je suis déçu de cette vie.
Je me suis écrié : « Qui viendra m’aider,Qui voit ma détresse ? »
C’est alors que j’ai entendu la voix de Dieu :
« Il y a longtemps que je t’aime ! »

Un des soldats me demanda : « Es-tu vraiment chrétien ? À quelle dénomination appartiens-tu ? »

Je répondis : « Je suis venu à la foi au Seigneur Jésus-Christ dans une église baptiste et j’ai trouvé un sens à ma vie ». Ils cessèrent de m’interroger et écoutèrent les chants en silence. Quelque temps après le chef est revenu vers nous et me dit : « Tu as eu de la chance, tu n’iras pas à la cave. »

Qui décide de notre sort ?

Alors, je n’ai plus pu me taire et je leur ai dit : 

– Mon sort ne dépend ni de la chance, ni de vous. J’ai prié mon Dieu et c’est sa volonté qui va s’accomplir. S’il le veut, je pourrai rentrer chez moi, mais, s’il le permet, je vais me retrouver à la cave.

– Tu as le choix, m’a alors répondu le chef, ou tu travailles une semaine pour nous, ou tu nous donnes ta voiture une semaine pour nos besoins.

– C’est tout ce que j’ai comme choix ?

– Non, tu peux aussi creuser des tranchées sur la ligne de front pour nos combattants ou aller au combat comme bouclier humain. Si tu y survis, tu seras libre.

J’ai alors décidé de travailler une semaine pour eux, afin de pouvoir leur communiquer l’Évangile. Ils m’ont répondu :

– Très bien. Alors tu vas signer une demande disant que tu rejoins volontairement les rangs de l’armée séparatiste.

– Non, ça je ne le ferai pas, pour raison de conscience. C’est contraire à mes principes.

Avec bien des membres de l’armée séparatiste, il n’est malheureusement pas possible d’avoir un dialogue sensé ; leurs réactions sont souvent imprévisibles, parce que certains d’entre eux sont d’anciens prisonniers.

Esclaves de Satan

J’ai donc dû leur laisser ma voiture. Une semaine plus tard, je suis retourné la rechercher. Nous avons été accueillis par un soldat tchétchène surnommé “Mongol”. Ils ont chacun un surnom qui renseigne souvent sur leur caractère. Ainsi, un des officiers supérieurs était surnommé “Démon” et son comportement avec les gens y correspondait effectivement. À l’entrée de la ville de Gorlovka, placée sous son contrôle, un panneau annonce : « Bienvenue en enfer ». Ces gens sont malheureusement esclaves de Satan et ne connaissent pas Dieu. Ils ont besoin de Jésus.

Après de longues négociations, nous avons récupéré la voiture et les papiers, puis nous avons pu rentrer chez nous.

Merci de ne pas nous oublier !

J’exprime ma reconnaissance à tous ceux qui prient pour moi et pour la détresse de notre pays. Veuillez aussi continuer à prier, car s’il est vrai que l’hiver se termine, les rares vivres qui nous restent diminuent de jour en jour. Il y a des gens qui sont morts de faim, d’autres de froid. Si les chrétiens de l’Ouest ne nous avaient pas aidés, des milliers seraient morts, en particulier des enfants et des personnes âgées.

Des chrétiens ont organisé la distribution de pain aux nécessiteux dans la ville de Krasny Lutsch, en Ukraine orientale.

Veuillez prier pour que nous puissions encore présenter l’Évangile à un maximum de gens avant qu’ils ne paraissent devant le tribunal de Dieu.

Olena Gula,
correspondante de la mission FriedensBote