Des champs de mission enneigés de la Yakoutie
Première grande conférence du jubilé des chrétiens yakoutes
Du 6 au 8 mars 2011, s’est tenue la Conférence de l’Association des Églises Évangéliques, à Yakoutsk, capitale de la République de Yakoutie (nord-est de la Sibérie). 1991 est l’année du commencement de l’évangélisation de cet immense pays. Durant les 10 années qui suivirent, ce travail a pu se faire dans des conditions de liberté inconnues auparavant. L’Association fête maintenant le dixième anniversaire de son existence. Quant à l’Évangile, nous espérons qu’il continuera de se répandre jusqu’au retour du Seigneur !
Pour cette fête, les chrétiens ont loué et décoré une salle où se sont rassemblés plus de 300 représentants de plus de 60 églises des diverses régions du pays. C’est un nombre énorme si l’on pense, qu’il y a 20 ans, les chrétiens de Yakoutie pouvaient se compter sur les doigts d’une main !
Rétrospectives
Valéry Sidorenko, l’un des premiers chrétiens yakoutes de cette “nouvelle époque”, a raconté l’histoire de l’évangélisation dans son pays :
Déjà avant la Révolution d’octobre 1917, des Doukhobors ont été exilés en Yakoutie par le régime tsariste, à cause de leur foi. C’était une secte aux croyances particulières, mais ces hommes ont essayé d’être fidèles à Dieu et ont subi d’indicibles souffrances pendant leur longue marche de plusieurs années vers la Yakoutie.
Durant les années 20, un groupe de missionnaires œuvrait en Yakoutie, mais sa trace se perd au temps des persécutions staliniennes.
Valéry lui-même a connu la foi en 1979. Son vœu était qu’il existe “quelque chose” en Yakoutie. En fait, ce “quelque chose”, des chrétiens, existait déjà, mais dans les prisons. Les plus connus étaient Guéorgui Vins, Beniamin Markevitch, Jakob Ivachtchenko et Rudolf Klassen (le frère de David Klassen), détenus en Yakoutie à cause de leur foi. Leurs familles leur rendaient visite et étaient parfois hébergées chez les Sidorenko. Leurs prières et celles de beaucoup de prisonniers chrétiens inconnus ne sont pas restées vaines !
Après le changement politique de 1991, la liberté d’évangéliser fut accordée et plusieurs chrétiens quittèrent les régions ensoleillées de l’ex-URSS pour s’installer dans le froid inhospitalier de la Yakoutie. Par eux, le Seigneur a fait de grandes choses.
Dans beaucoup d’églises fondées en Yakoutie, on connaît Michaïl Troubtchik, et les jeunes missionnaires Lena, Lida et Vera sont, elles aussi, connues presque partout. Elles se sont engagées pour le Seigneur au-delà de leurs forces, à tel point que leur santé en a souffert. Mais, sans elles, il n’y aurait pas eu de conférence du jubilé d’une telle ampleur en Yakoutie.
Déroulement de la conférence
Sur une carte du pays, fixée au mur à l’avant de la salle, chaque représentant d’église ou de groupe de croyants plantait une épingle munie d’un drapeau rouge après son allocution. La superficie de la Yakoutie étant environ celle de l’Europe de l’Ouest, les coûts des transports sont très élevés, de sorte que toutes les églises n’ont pas pu être représentées. Aussi a-t-on planté des drapeaux verts sur la carte pour les absents. Le manque de drapeaux disponibles provoqua le joyeux étonnement de tous !
La Friedensbote était représentée par les deux signataires de l’article. Ces derniers ont rappelé les temps de dures persécutions qu’ils ont eux-mêmes vécues en partie.
Récemment la Mission a traduit le Nouveau Testament en yakoute et en a imprimé 30 000 exemplaires. Cela a été rendu possible grâce à l’aide de nombreux donateurs. Actuellement les travaux de traduction de l’Ancien Testament avancent rapidement.
La devise de la conférence était : « Oh ! qu’il est agréable, qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble ! » (Ps 133.1). Le sens et le but de la conférence étaient de développer la communion fraternelle et de permettre aux chrétiens de faire connaissance. Jamais, ils n’avaient vu autant de frères et sœurs ! Beaucoup d’entre eux vivent dans le désert du Nord, séparés les uns des autres par des centaines de kilomètres, et se réunissant seulement à 5,6 ou 7. Quelle surprise ! Quelques-uns eurent les larmes aux yeux en voyant ce que Dieu avait fait parmi leur peuple.
Combien ils aimeraient organiser une telle conférence chaque année ! Mais ceux qui sont venus de loin savent bien qu’ils n’en auraient pas les moyens financiers. Dans le Nord, il y a peu de routes et un voyage aller-retour pour une distance de seulement 500 km coûte déjà près de 1000 € !
Enfermés entre les montagnes
C’est un récit émouvant qu’a apporté Tamara, originaire de la région de Kobiasky-Ulus, située presque au centre de la Yakoutie et entourée de hautes montagnes. On n’y parvient qu’en avion :
À Sebjan-Kjujel, un village où se trouve le centre administratif régional, il y a un petit groupe de chrétiens évènes qui ont un besoin urgent de soutien spirituel. Mais, à cause de leur isolement géographique, personne ne les a visités durant les quatre dernières années.
La jeune missionnaire Olga, dont la santé est gravement atteinte après un engagement de quatre ans, a besoin d’un court temps de repos. Prions pour elle et pour la croissance spirituelle des nouveaux convertis évènes. Ils ont aussi besoin d’être visités. Le coût élevé du transport aérien est le principal obstacle à la communion fraternelle.
Visite aux églises
Avant et après la conférence, nous avons visité plusieurs églises en empruntant des “routes d’hiver”.
C’est ainsi que, le 28 février, nous sommes partis vers Kempendiaj. Ce trajet de près de 1000 km nous mena d’abord vers le Nord, le long du fleuve Lena, puis vers l’Ouest le long du fleuve Viliuj. Il dura 22 heures. En Yakoutie, on dit : « Tu es arrivé, donc le chemin était bon ! »
À Kempendiaj, il y a une petite assemblée dirigée par le frère Afanasy. Elle est en train de construire une salle de réunion. Le gros œuvre est déjà terminé. Là où existe un bâtiment d’église, le travail d’évangélisation est beaucoup plus efficace.
Après la réunion avec les frères et les sœurs de ce lieu, nous avons pris le chemin du retour en plusieurs étapes. Nous avons visité les églises à Njurba, Wiljujsk, Namzy (c’est là qu’habite Agit Pavlov -Voir son témoignage dans le n°2/2008, sous le titre : Délivré du cercle vicieux de la violence.) et Mytach. À Mytach, vit le frère Nikolaj Alekseïev qui participe actuellement au voyage missionnaire dans l’Arctique et que nous avons invité pour les conférences d’automne en Allemagne.
Départ pour un nouveau voyage missionnaire dans l’Arctique
Après la conférence, a commencé le quatrième voyage d’évangélisation à bord du véhicule spécial “Jäger” (le chasseur), financé par la mission. Cette fois-ci, les frères ont choisi le même trajet que lors du premier voyage, en 2008. Ils veulent encourager et exhorter les nouveaux convertis de ces régions nordiques très isolées.
Le “Jäger” est parti le 10 mars en direction de la colonie de Chandyga, à 430 km vers l’est, avec deux personnes à bord : Saïd Protopopov et Nikolaï Alekseïev. Nous avons admiré le courage du frère Saïd. Malgré son opération d’une tumeur au cerveau subie à l’âge de 16 ans, qui limite un peu ses mouvements, il participe à tous les voyages dans l’Arctique. Ceux-ci exigent pourtant d’intenses efforts physiques et intellectuels.
Matériaux de construction des “voies d’hiver” : l’eau et le gel
Nous les avons nous-mêmes accompagnés durant la première étape du voyage. D’abord, nous avons traversé la Lena, sur laquelle on construit de vraies routes en hiver, avec des panneaux routiers, etc. Quand le “revêtement” est trop usé, des employés des Ponts et Chaussées forent des trous dans la glace, à l’écart de la route, et y pompent de l’eau vers la chaussée. L’eau égalise les aspérités de la surface, puis gèle… puis, on circule de nouveau bien ! Par ces températures très basses la glace n’est plus glissante et on y roule en relative sécurité.
C’est tard le soir que le “Jäger” a rejoint Chandyga. Une crevaison nous avait retardés d’une heure. Heureusement qu’il ne faisait que -30°C !
À Chandyga se trouve l’une des plus grandes églises du pays. Les chrétiens, très hospitaliers, nous ont accueillis très chaleureusement.
La route, un charnier
Le lendemain, nous avons encore accompagné les frères sur 250 km, car nous voulions visiter un endroit où l’on trouve encore les ruines de camps staliniens.
La région devenait de plus en plus inhospitalière : les collines laissaient place à des montagnes, les vallées se resserraient de plus en plus. La route avait été construite par les prisonniers, et les habitants du pays racontent avec horreur qu’elle repose sur des ossements humains. D’innombrables prisonniers sont morts ici dans des conditions atroces et ont tout simplement été enterrés au bord de la route ou même sous la chaussée…
Un grand sujet de prière
Après avoir prié ensemble, nos chemins se sont séparés. Le “Jäger” a poursuivi sa “route” vers le nord, prenant avec eux, à Chandyga, deux autres frères, Valery Burzev et Innokenty. Pour la première fois, l’équipe est entièrement yakoute.
Nous espérons que nos frères atteindront tous les objectifs de leur mission. C’est une route extrêmement dangereuse, de milliers de kilomètres, qui traverse des marécages et des fleuves gelés, et longe des flancs de montagnes enneigées au milieu de l’immensité de la toundra. Mais c’est le seul moyen d’atteindre ces lieux où les habitants n’ont encore jamais entendu le message du salut en Jésus-Christ. Et seul le Seigneur peut garantir le retour sain et sauf de nos missionnaires !
Retour et bilan
Après 20 jours en Yakoutie, nous sommes rentrés chargés d’impressions de toutes sortes. Nous y avons vu Dieu lui-même à l’œuvre. Des missionnaires arrivent et repartent, mais le Seigneur reste. Il y a 20 ans, il n’y existait aucune église. Aujourd’hui, l’association à elle seule fédère 60 églises ou groupes de chrétiens. Il y a des “hauteurs” et des “vallées”… mais, là où Dieu agit, même les portes de l’enfer ne peuvent retenir son œuvre !
Avoir pu participer à l’édification des églises en Yakoutie nous remplit particulièrement de reconnaissance.
J.Janzen et J.Voth (FriedensBote)