donnez-leur vous-mêmes à manger

"Élim" Une oasis dans le désert…

Il n’est pas facile de présenter succinctement ce travail important et béni en République de Moldavie. Après avoir découvert l’œuvre personnellement, mon plus grand désir est de transmettre mon enthousiasme à d’autres à son sujet.

Qui est Vassili Kossovan ? ou : Comment s’organise la lune de miel d’un “contrebandier de Bibles” ?

À la fin des années 70, Vassili faisait partie des destinataires de nos transports clandestins de Bibles en Union Soviétique. La Moldavie représentait une situation géographique favorable, à la frontière occidentale du pays communiste (ndlr : de l’Empire soviétique). C’est de là que la précieuse cargaison était répartie dans le pays.

Vassili était jeune, il aimait le Seigneur par-dessus tout et Lui avait donné sa vie. Lorsqu’on l’a sollicité pour emporter des milliers de Bibles de contrebande dans diverses villes, il n’a pas pensé à sa propre sécurité. Il a sillonné en tous sens et des mois durant la partie européenne du pays, avec la Lada de son père.

Tous ceux qui, à cette époque, acceptaient le risque d’un tel ministère, n’en attendaient ni reconnaissance, ni remerciements, ni ré-compense. Tout devait demeurer secret. La plus petite erreur pouvait signifier l’arrestation, la torture et des années d’emprisonnement.
Quelques-uns de ces transporteurs l’ont expérimenté dans leur propre corps.
Peu avant son mariage avec Dina, Vassili lui révéla son secret. Elle ne s’en effraya pas, car elle aussi aimait le Seigneur par-dessus tout. Dès les premiers jours qui ont suivi leur mariage, en 1980, ils partirent en “voyage de noces”, emportant dans leurs bagages une grande quantité de Bibles. Dès lors, de nombreux voyages à hauts risques se succédèrent pour le jeune couple transportant les écrits des éditions clandestines “Christianin”. Seulement après cinq mois de cette dangereuse “lune de miel” Vassili et Dina purent avoir un peu de répit.

Nouveaux défis

Après le changement politique de 1991, les frontières se sont ouvertes et la contrebande de Bibles n’était plus nécessaire. Économiquement, le pays était à genoux. Plus d’un million de Moldaves ont émigré pour obtenir du travail. De nombreuses familles ont ainsi été déchirées.

Le désastre économique a atteint le plus durement les plus faibles : les enfants. Beaucoup ont été livrés à eux-mêmes ou recueillis par leurs grand-mères. Ensuite, une guerre civile sanglante a multiplié le nombre des orphelins dans le pays.

Dieu a béni Vassili et Dina en leur accordant huit fils en bonne santé. Il leur a aussi montré la détresse des nombreux orphelins, leur rappelant les paroles du Seigneur Jésus : “Quiconque reçoit en mon nom ce petit enfant, me reçoit moi-même ; et quiconque me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé" (Luc 9.48). Accueillir le Dieu de majesté… Vassili et Dina n’ont pas pensé à cela lorsqu’en 1992 ils invitèrent pour la première fois dix orphelins pour un petit-déjeuner chez eux, avant de les emmener au culte.

Les enfants ont chanté les cantiques avec enthousiasme, écouté la Parole de Dieu et appris des versets par cœur. Après le culte, ils ont encore déjeuné chez les Kossovan, demandant prudemment, avant de se quitter, s’ils pouvaient revenir le dimanche suivant !

Leur nombre augmentait régulièrement, au point que le local de la petite église devint bientôt trop exigu.

Croissance illimitée

Vassili raconte :

Pour nos cultes avec les enfants, nous avons pu obtenir un local de l’école maternelle. Mais celui-ci aussi fut bientôt trop petit, car les enfants pauvres et les orphelins venaient également des villages voisins.

La possibilité nous fut donnée d’acheter trois vieux bus à très bas coût, fabriqués en Allemagne de l’Est, avec 21 places assises. Jusqu’à 70 enfants y trouvèrent place. Plus tard, nous avons reçu des bus plus grands, désaffectés, venant d’Allemagne.

En 2004, avec l’aide de quelques amis allemands, nous avons pu acheter un terrain dans la banlieue de Singerei (ex-Lasovsk), et y construire une salle de réunion très simple.

Élim, une oasis dans le désert

Les lecteurs de la Bible savent, d’après Exode 15.27, que le peuple d’Israël, après sa sortie d’Égypte, est arrivé à Élim, une oasis comportant 12 sources et 70 palmiers. Nous voulions aussi que ces enfants, dont personne ne s’occupe, puissent trouver une oasis auprès de Jésus. C’est pourquoi nous avons opté pour ce même nom, Élim.

Dimanche après dimanche, tout le long de l’année, et par tous les temps, nos bus collectent des enfants (actuellement près de 400 – ce nombre est en augmentation) de 19 villages environnants. Le plus éloigné est à 40 km. Pour la plupart de ces enfants c’est le seul rayon de soleil de la semaine. Beaucoup se lèvent dès 6 heures et attendent le bus au bord de la route, encore dans l’obscurité.

À leur arrivée, ils reçoivent du thé et des gâteaux. Puis, ils écoutent la prédication, apprennent des versets par cœur et chantent, participant avec enthousiasme. Quelques-uns présentent des poèmes ou des saynètes. Puis chacun reçoit une tartine avant d’être reconduit dans son village. Celui qui vient à Dieu n’est plus orphelin…

Beaucoup d’enfants ont vécu des choses terribles. Deux exemples :

- C’est arrivé il y a huit ans. Un soir, une femme d’un village voisin, mère de quatre petits enfants, est venue nous dire : « Je suis prête à me convertir, mais on a persuadé mon mari que la conversion est quelque chose de très mauvais. Il a menacé de me tuer immédiatement si je me convertissais.
S’il vous plaît, venez chez moi demain. Je prononcerai ma prière de conversion en votre présence, peut-être que cela le calmera. »        
Mais cette femme ne devait pas survivre jusqu’au lendemain. De colère, son mari, mal renseigné, l’a tuée le jour-même ! Son geste lui a valu 24 ans de prison.       
Les quatre orphelins ont grandi sous notre garde. Plus tard, ils se sont tous convertis. Aujourd’hui, ils prient pour la conversion de leur père.    
La jeune fille de 18 ans a prié en pleurant : « Seigneur, il m’est difficile de te remercier pour ce chemin par lequel tu nous as conduits. Mais peut-être qu’autrement nous ne t’aurions jamais trouvé… »

Sergueï, un enfant que nous avions élevé autrefois, est maintenant un jeune adulte. Il habite loin de nous, à Voronej en Russie, mais il revient toujours vers nous. Les enfants aiment l’entendre : « Combien de temps avez-vous vécu chez votre mère après votre naissance ?  Ils se regardent les uns les autres d’un air embarrassé. Sergueï continue : « J’avais exactement quatre jours quand ma mère m’a quitté. Elle n’était pas mariée à l’époque. Elle faisait des études loin de chez elle et ne voulait pas faire honte à ses parents. Personne ne devait être au courant de sa faute.            
On m’a mis à l’orphelinat. De là, j’ai souvent pu venir chez Vassili et Dina. Ils ont remplacé mes parents. Chez eux, j’ai pu trouver le chemin vers Jésus. Depuis ce moment-là, le grand Dieu est devenu mon père céleste.

À 16 ans, j’ai absolument voulu retrouver ma maman. Vassili a pris beaucoup de temps pour découvrir son adresse. Nous y sommes allés. Malheureusement, il était trop tard. Ma mère était morte depuis deux ans. Elle avait laissé deux enfants, issus de son mariage, que les grands-parents élevaient désormais. Elle n’avait jamais parlé de moi. Mon grand-père m’a regardé d’un air interrogateur.     Soudain, tous ont remarqué que je ressemblais beaucoup à mon grand-père. Il m’a serré dans ses bras en pleurant. Assez rapidement, mes frères et mes grands-parents se sont convertis à Jésus. Aujourd’hui, je suis un chrétien joyeux et heureux dans mon mariage. Celui qui vient à Dieu n’est plus orphelin ! »

 

Agir malgré l’opposition

Dans un village, le prêtre orthodoxe voulait empêcher les enfants de nous rejoindre à notre rencontre du dimanche. Plusieurs fois, il a barré la porte du bus et a renvoyé les enfants chez eux. Vassili s’est mis en relation avec le maire qui a arrangé la situation. Plus tard, ce prêtre a fait plus ample connaissance avec Vassili et lui a exprimé son respect.

Vassili et Dina n’ont presque pas de vie privée. Une ou deux fois par semaine, ils parcourent les villages pour visiter les familles de “leurs enfants”, aidant occasionnellement les plus démunies avec des denrées alimentaires. Souvent les enfants viennent le dimanche en habits déchirés et en chaussures trouées. Là aussi, l’aide de la mission FriedensBote, sous forme d’habits et de chaussures, est inestimable.

En fait, l’aide de l’étranger est très précieuse, mais il y a toujours eu des moments où elle a manqué. C’est pour cela que Vassili et ses amis ne veulent pas en être totalement dépendants. Ils ont équipé un petit garage pour la réparation de voitures. Ils ont également aménagé une serre (cf. photo en page 1) pour cultiver des légumes et ils ont planté un petit verger. Près du tiers de leurs dépenses est ainsi couvert. Les fils des Kossovan suivent l’exemple de leurs parents et aident là où c’est nécessaire.

Malheureusement les Kossovan atteignent les limites de leurs possibilités financières. Les dépenses pour le carburant, le remplacement des pneus et les pièces de rechange pour les bus sont à peine gérables. À cela il faut ajouter les casse-croûte pour les enfants ! La Moldavie demeure le pays “le plus pauvre d’Europe”.

En 2011, tous les petits villageois n’ont pas pu être cherchés régulièrement, car deux bus étaient hors d’usage. Les enfants téléphonaient et demandaient tristement quand on viendrait enfin les reprendre. Vassili leur répondait qu’ils devaient prier pour que le Seigneur le rende possible. Gloire à Dieu qui, en mars 2012, a exaucé leurs prières, grâce aux libéralités de France !

L’essentiel, c’est que les enfants aillent bien !

Vassili poursuit : « Nous nous rendons de temps en temps en bus dans trois orphelinats situés à proximité, ainsi qu’à la prison pour mineurs. Nous y organisons un programme d’évangélisation avec nos enfants. De cette manière, 840 autres enfants sont au contact avec l’Évangile.

Nous pensons que notre tâche principale consiste à rapprocher les enfants du Seigneur Jésus et à être nous-mêmes un exemple de Son amour. Nous pouvons observer des résultats : de nombreux enfants se sont convertis, expérimentant le pardon de leurs péchés et découvrant une vie nouvelle. Par leur témoignage, quelques adultes, membres de leurs familles se sont également convertis. Ceux-ci nous rendent souvent visite ces derniers temps. Nous ne voulons pas cesser ce travail aussi longtemps que Dieu le rend possible. Tous mes frères et sœurs (ndlr : de sang) ont depuis longtemps émigré aux USA. Quant à moi, je dois et je veux rester. Comment pourrais-je dire aux enfants : « Je vous quitte, arrangez-vous vous-mêmes ! » ?

À tous ceux qui le félicitent pour son fidèle ministère, Vassili répond simplement : « Je ne veux pas de gloire. L’essentiel, c’est que les enfants aillent bien ! ».

V.Kossovan et E.Ewert