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Un voyage en Russie (juillet 2018)

1. Camp d'enfants à Vyatkié Poliany
2. Camp de familles à Vyatkié Poliany
3. Les candidats au baptême au camp
4. Rustam, Véra et leurs enfants
5. La maison de Rustam et de Véra
6. Toit de la maison de Rustam…
7. La maison de Babou : 2 pièces sous la toiture
8. Babou lisant en braille
9. Igor et Ludmila Chichkov (avec 5 de leurs 10 enfants)
10. À Otradny, réunion pour les enfants
11. À Otradny, chez I.Chichkov (la petite assemblée)
12. Valéry Balachov, Pierre et Eduard
13. Eglise de Novomoskovsk
14. Eglise à Moscou

Le voyage a eu pour objectif la visite d’églises soutenues par la mission FriedenBote dans la région de Moscou, jusqu’à Vyatskié Poliany (à près de 1000 km à l’est de Moscou) et même au-delà. Le contact principal a été Alexander Dresvyannikov. Il nous a accompagnés, Eduard Ewert et moi-même, dans nos divers déplacements.

NDLR: En 2012, A. Dresvyannikov avait souffert de la persécution, pour ses activités d’évangélisation, surtout de la part du recteur de l'Église orthodoxe au village Sloudka. La situation avait conduit le directeur de la FriedensBote à adresser une lettre de protestation au Président de la Russie, Dimitri Medvedev. La situation s’était améliorée par la suite (cf. Les bulletins n°116, 2012 et 130, 2016).
Une précédente visite chez ce frère a eu lieu l’été 2015 (cf. Bulletin 130, 2016). Par ailleurs, A. Dresvyannikov a connu de sérieux problèmes de santé, ayant des artères coronaires dangereusement obstruées. Cela s’est amélioré depuis.

Le 13 juillet, nous sommes accueillis à l'aéroport de Kazan, à 2 heures du matin, par les enfants Dresvyannikov : Ivan et Marina. Il fait jour quand nous quittons l’aéroport. La distance Kazan-Vyatskié Poliany est de 170 km. Comme d’habitude, je suis émerveillé des paysages que nous traversons…

Alexandre Dresvyannikov me fait un long accueil que je n’oublierai pas de si tôt… Olga, son épouse, est toujours hospitalisée. Elle souffre d’hypertension et d’un important dysfonctionnement rénal. Ce sont les filles qui la remplacent.

Vers 11 h, nous allons au camp familles et enfants où nous passons la journée. Je retrouve des visages connus… ils sont étonnés que je me souvienne de leur nom et je peux lire la joie sur le visage de beaucoup…

Le thème du camp est toujours “Jean 3.16”. Denis Koutousov centre ses messages sur trois aspects : la parole, les actes et le caractère…

Le lendemain, Alexandre et Eduard ont une discussion sur la situation des églises en Russie. Alexandre a été président de la Fédération baptiste indépendante de la Fédération de Russie. Eduard cite plusieurs fois l’église de Philadelphie dans l'Apocalypse (Ndlr : celle qui est restée fidèle au Seigneur malgré la grande opposition, cf. Apoc 3.7-13) et il exhorte et encourage Alexandre à persévérer dans la voie de la fidélité.

Pour ma part, je suis heureux de me retrouver au camp parmi les uns et les autres, causant avec David, Sergueï, Abner…

L’après-midi, à Sosnovka, nous trouvons la maison de prière achevée. Non seulement ces locaux servent aux réunions du dimanche et de la semaine, mais aussi à l’hébergement lors de conventions ou séminaires qui ont lieu régulièrement à Vyatskié Poliany.

Le soir, Denis Koutousov donne un très beau message : Notre caractère doit se laisser façonner par la Parole de Dieu, ce qui débouchera sur des actes. Il termine en faisant un appel : des enfants et des ados se lèvent et viennent prier devant tous. La soirée se termine par un feu d’artifice.

Le lendemain, dimanche, c’est la clôture du camp. Nous serons six intervenants au culte, terminé par un appel à prier.

La réunion est suivie du baptême de trois jeunes femmes et de trois jeunes hommes [3e photo] dans l’étang en contrebas. C’est toujours aussi émouvant, et quels beaux chants !

Lundi 16. Pendant le déjeuner, Eduard évoque son passé, ses séjours dans les camps soviétiques (plusieurs de ses jeunes années !). Il estime que la prison a été une bonne école de la vie… ! En tout cas, il estime qu’il n’est pas un héros. Certes ! Mais à mes yeux, il fait quand même partie des héros de la foi !

Puis, parlant de son récent voyage (illustré par ses prises de vues) au Paraguay, où vivent d’importantes colonies mennonites, il nous fait une courte leçon d’histoire :

Ndlr : La FriedensBote cultive régulièrement ses contacts avec des colonies de langue allemande en Amérique du Sud.

Au 18e siècle, en Prusse, le fait que le service militaire est devenu obligatoire a provoqué l’émigration des mennonites. Catherine II de Russie, trouvant que les paysans russes travaillaient mal la terre, et sachant que les mennonites étaient d’excellents cultivateurs, avait largement ouvert les portes de son pays à ces derniers. Dès le 19e et au début du 20e siècle, des mennonites se sont installés au Paraguay depuis l'Allemagne et depuis la Russie, certains passant par la Chine. Ils y ont créé d’importantes colonies florissantes. Ils parlent allemand et espagnol, certains Plautdietsch…
D’autres se sont installés au Canada.

Ndlr : Plautdietsch ou bas allemand, cf. fr.wikipedia.org/wiki/Bas_allemand_mennonite

Quand on voit leurs églises, quel contraste avec celles de France…

L’après-midi, nous nous rendons à Sloudka, puis à Moïga où nous retrouvons la petite assemblée pour une réunion. Nos différentes interventions sont entrecoupées par des chants individuels d’enfants et d’adultes, ainsi que par des poèmes...

Après la réunion, nous reconduisons chez elle, Véra, une maman enceinte et ses deux derniers enfants. C’est une famille très pauvre de quatre filles et un garçon, plus celui à venir. Rustam, le papa fait des petits boulots. Ils vivent dans une seule pièce [4e photo]. La maison est délabrée [5e et 6e photo]. C’est vraiment la misère. Nous leur remettons un carton plein de victuailles. Un soutien financier de la mission va également leur être envoyé via A.Dresvyannikov. Sujet de prière !

Mardi 17 : Départ à 5h30, direction Samara avec un crochet chez “Babouchka Choura”. Elle habite à Sloboda Petrolavloskaya, dans l’État du Tatarstan, à 300 km de Vyatskié Poliany.

Babou (en russe Baba qui signifie mamie) Choura est aveugle de naissance, elle a 88 ans et vit seule dans la maison de ses parents. Une grande partie de cette maison est en ruine : le toit s’est effondré et le restant fuit [7e photo]. Elle vit dans la pièce principale avec un chauffage archaïque. Dans sa minuscule “salle de bain” la baignoire est inutilisable. Pour la cuisson, elle dispose d’une plaque électrique qu'il faut brancher et débrancher avec risques. Les toilettes sont à l’extérieur. Malgré sa cécité, elle se déplace sans rien heurter. Elle n’est pas triste. Elle prie et chante souvent un mélange de chants chrétiens et orthodoxes [8e photo]. Ses parents étaient orthodoxes.

La municipalité lui a proposé un logement plus décent. Comme toutes les personnes âgées, elle a refusé ! Trois fois par semaine, elle est visitée par les services sociaux.

Alexandre envisage de faire des aménagements pour lui apporter un peu de confort. Notre mission (Ndlr : branche française) soutient Babouchka Choura à hauteur de 50 € par mois et lui attribue, dès à présent, 1000 € pour les travaux. Nous repartons après avoir prié ensemble. Je prie pour la première fois en russe ! Nous poursuivons ensuite vers Samara, pour arriver, le soir, à Otradny à 110 km de Samara, chez Igor et Lyoudmila Chichkov. Ils ont une grande famille. Igor est connu de la mission pour sa participation à des voyages missionnaires en Sibérie. [9e et 10e photo]

Ndlr: Igor et Lyoudmila Chichkov ont eu 10 enfants. La famille vit de sa production : un poulailler et un grand potager où ils cultivent oignons, toutes petites gousses d’ail, tomates, pommes de terre, petits pois, cassis, framboises, fraises, groseilles, groseilles à maquereau, etc. Ils habitent une grande maison qui sert aussi de maison d’accueil pour enfants.

Pendant le repas, Igor parle des problèmes de l’église : relations fraternelles et constructions. Alexandre est devenu le pasteur des pasteurs. Il écoute beaucoup, donne son avis, des conseils. Parfois Eduard et Denis sont sollicités.

Après le dîner, nous participons à une réunion au cours de laquelle nous intervenons comme la veille à Moïga [11e photo]. Nous avançons à nouveau nos montres d’une heure (+ 2 par rapport à Paris).

En suivant les conversations au petit-déjeuner, je m’aperçois que la FriedensBote a une parfaite connaissance des églises et des personnes qu’elle soutient. Ils ont vécu ensemble la période soviétique.

Alexandre et Denis nous quittent pour rentrer à Viatskié Poliany, tandis que nous poursuivrons notre route.

J’ai une bonne conversation avec la femme d’Igor. Igor a passé sept ans en prison et en camp. Dans le passé, les grands-mères réunissaient les enfants pour leur apprendre des chants et leur donner un enseignement biblique. Je suis surpris de voir tant de personnes de ma génération connaître par cœur autant de chants et de passages entiers de l’Écriture… Malheureusement, comme partout dans des églises, certains jeunes sont ambitieux et veulent la place… les relations entre les femmes des responsables sont parfois difficiles. De jeunes responsables bousculent les anciens, etc.

Le soir nous retournons au lieu de prière de la veille. Eduard présente un montage sur la mission et un diaporama sur la Bible hier et aujourd’hui, notamment sur la persécution des chrétiens en URSS au 20e siècle. C’est toujours aussi poignant.

Jeudi 19 : L’après-midi nous visitons une Maison d’enfants de l’État. Ce n’est pas un orphelinat, mais une maison d’accueil d’enfants retirés à leurs familles pour raisons d’alcoolisme, de drogues, etc. Ils sont hébergés pour trois mois. Ensuite, si les conditions le permettent, ils retournent dans leur famille, sinon, ils sont envoyés à l’orphelinat. Il me semble que cela correspond à nos foyers de l’enfance en France. Igor y tient régulièrement une réunion d’évangélisation. Sa “fille” Christina interprète des cantiques.

Le soir, avec Eduard et son beau-frère (qui habite dans la région), nous apportons l’Évangile dans un centre de réhabilitation pour alcooliques et drogués. Les visages en disent long sur leur passé…

Vendredi 20 : Igor nous conduit à l’aéroport de Samara pour prendre un vol pour Chérémétiévo un aéroport qui se situe au nord de Moscou. Valéry Balachov nous accueille. Il habite à 220 km au sud de Moscou. Nous empruntons le périphérique, long de 105 km, et, comme dans toutes les capitales, nous goûtons aux bouchons…

Peu avant de quitter l’autoroute, nous passons à la hauteur d’une petite ville, entièrement chinoise, avec ses propres policiers à l’entrée. Étonnant ! La Chine a construit une usine d’automobiles en un an. Il n’y a que des chinois qui y travaillent.

À l’entrée de Novomoskovsk (signifie Nouvelle Moscou), il y a une importante usine d’azote, la deuxième au monde, employant 15 000 personnes.

Valéry est marié à Valentina. Ils ont 10 enfants, 8 garçons et 2 filles. Valéry est responsable de l’église.

La FriedensBote a acheté les locaux dans le passé. Valéry est connu pour ses voyages missionnaires en Sibérie. [12e photo]

Ndlr : Cf. L’article Voir le monde avec d’autres yeux…, n°129 (4/2015)

À la réunion du soir, en plus de nos interventions, Eduard présente son court film sur la mission et le diaporama sur la Bible hier et aujourd’hui. [13e photo]

Samedi 21 : Retour sur Moscou. Valéry nous conduit dans la grande banlieue de Moscou, la banlieue des datchas ! Nous arrivons chez Slava. Pendant la période soviétique, il imprimait le journal “Le Chrétien – Христяннин”. Il était membre du Conseil des églises baptistes. Eduard et lui se sont connus dans les camps de l’Oural. Depuis les années 90, il est devenu un homme d’affaire. Même s’il côtoie des personnes de l’entourage de Poutine, il reste honnête et sûr. Il sera notre guide pour visiter Moscou.

La ligne 7 du métro nous conduit à la station Loubianka de célèbre et triste réputation. La sortie débouche sur un parc où, en 1966, 500 chrétiens s’étaient réunis pour manifester paisiblement sous les fenêtres du parti communiste, réclamant la liberté de pratiquer leur foi conformément à la Constitution de l’époque. Tous avaient été arrêtés et conduits à la Loubianka toute proche. Au centre de Moscou, le métro est un véritable musée.

Dimanche 22 : L’église se situe au rez-de-chaussée d’un immeuble, à coté de magasins ouverts. Bien que ce soit les vacances, l’église est fréquentée par des jeunes et des moins jeunes : la plus âgée a 93 ans, elle chantera pendant le culte. Nous intervenons comme d’habitude. À la fin de la réunion, une personne vient me dire qu’elle avait tout compris de ce que j’avais dit en russe. Quel encouragement ! Dans cette église, la mission n’apporte qu’un petit soutien matériel : calendriers, littérature spirituelle, listes de prière… [14e photo]

Vers 15h30, nous partons pour Chérémétiévo, c'est l’envol pour l'Allemagne.

Lundi 23 : Après un bref passage au siège de la mission, où je salue les frères, je reprends la route pour la France. Tout se passe bien jusqu’à Louviers à 25 mn de la maison. Alors que je m’engage sur la voie d’insertion, un camion déborde sur cette voie et me percute : le chauffeur s’était endormi ! Mon “berlingot” ne sera pas remis en état à cause de son âge : 12 ans ! Snif ! Il m’a rendu de précieux services. Mais je ne suis pas blessé et mes bagages sont intacts.

Merci Seigneur, tu m’as gardé. Tu es mon Bon Berger ! Слава Богу ! Gloire à Dieu !

 

Pierre Vaubaillon