donnez-leur vous-mêmes à manger

Jakob Ésaü nous a quittés

Il était le dernier de cette génération des années 20 actifs au sein de la Friedensbote. Né en 1927, en Ukraine, son enfance et sa jeunesse se passent dans une période particulièrement difficile. En 1933 sévit en Russie une grande famine. Puis vinrent les années 1937 et 1938 où de très nombreuses personnes furent arrêtées par la police secrète pour disparaître à jamais, lors de la Grande purge de Staline.

En 1941, Jakob a 14 ans lorsque l'Allemagne envahit l'Union Soviétique. Bientôt, tous les hommes d'origine allemande sont déportés vers les plaines de Sibérie et en Asie centrale, puis, de nouveau évacués vers l’Ouest, en 1943. Dieu lui parlait à travers diverses circonstances, par exemple la mort de bien des personnes fusillées, ou victimes du typhus ou de la diphtérie. Pourtant, même face à la mort, il n'était pas encore prêt à “mettre sa vie en règle avec Dieu”. Cependant, un après-midi, en juillet 1944, il prit conscience que Dieu l'appelait, peut-être pour la dernière fois. Il se repentit de sa vie de péché et accepta le salut par la foi en Jésus.

En janvier 1945, alors qu’il était en fuite, il se rend en Allemagne où il est incorporé dans l’armée avant d’être fait prisonnier par les Anglais. Puis, il retrouve ses parents en Allemagne de l’Est, d’où la famille est déportée à Novosibirsk.

Cependant, son combat sera surtout d’ordre spirituel dans le développement de l’œuvre de Dieu.

Le régime communiste voulait prendre le contrôle des églises et imposer sa loi. Le surintendant, chargé de faire appliquer cette loi dans son église, le traitait de contre-révolutionnaire (une accusation très grave sous un tel régime politique !), ainsi que David Klasse, devant leur refus de se soumettre. Ce dernier, a été son compagnon de route durant la plus grande partie de sa vie, depuis l’Ukraine natale, jusqu’à la mission Friedensbote (d’abord Friedensstimme) vers le milieu des années 70, en passant par une longue vie d’église commune à Novossibirsk et au Kazakhstan, plus quatre séjours, tous deux, dans des camps du Goulag. David Klassen est décédé en 2004. Sa biographie, un récit des plus édifiants, est disponible au siège du Messager de la Paix, route de Samatan, 32200 GIMONT.)

Presque jusqu’à la fin de sa vie, le 3 avril 2009, cet homme de Dieu à servi son Maître de manière tout à fait remarquable. Sans revenir sur sa vie de disciple courageux sous le dur régime soviétique pendant près de 30 années, relevons son ministère inlassable et très béni au sein de la mission Friedensbote. (Pour savoir ce qu’a été cette vie, il faut lire la biographie de David Klassen dont le parcours a été assez semblable. Dans son livre, Klassen mentionne d’ailleurs plusieurs expériences communes aux deux hommes. Malheureusement, la biographie de Jakob Esaü n’est pas traduite en français - mis à part un petit livret de 80 pages, intitulé “Sous la protection de Dieu”, mais qui est épuisé. Il avait paru, en 1983, aux Éditions Communauté de Secours aux Églises Martyrs - .)

Dès son arrivée en Allemagne, en 1974, il portait comme un lourd fardeau les soufrances et les privations que connaissaient les chrétiens persécutés, dans les lieux où il avait lui-même vécu, jusqu’au changement politique en 1989. Il déployait tous ses efforts pour les encourager et les secourir. Après les changements, il restait préoccupé par l’état de tant de personnes qui continuaient de souffrir (cela est vrai encore aujourd’hui) des conséquences du régime athée. Il s’y rendait régulièrement, visitant même des lieux de ses anciennes détentions, pour y apporter l’Évangile, librement cette fois-ci.

Conférencier inlassable, connu également en Suisse et en France dès la fin des années 70, il a, de plus, beaucoup témoigné de la puissance de l’Évangile dans des prisons allemandes auprès de nombreux droits communs russophones, originaires des pays de l’Est.

Jakob savait communiquer et faire aimer l’Évangile avec une chaleur particulière. Par son service infatigable il a pu consoler et encourager d’innombrables âmes affligées par les difficultés de la vie. L’école de la souffrance qu’il a lui-même connue, l’a rendu capable d’être très proche de nombreux prisonniers dont il a pu conduire plusieurs au salut en Christ.

Parallèlement, il a été un homme de prière et a su en gagner beaucoup à partager avec lui ce combat pour ses frères et sœurs, comme aussi pour les perdus. Robert Goenner, l’un de ses collaborateurs à la mission, témoigne du nombre de fois où il a vu Jakob « souffrir et peiner pour réparer discordes et conflits. Là aussi j’ai pu apprendre que la foi, l’amour, le pardon et la miséricorde étaient la clé pour un nouveau commencement ».

Lors des obsèques, les paroles du Psaume 91, v. 1 et 2, ont apporté la consolation divine. Nous pouvons nous-mêmes nous les approprier :

Celui qui demeure sous l’abri du Très-Haut
Repose à l’ombre du Tout-Puissant.
Je dis à l’Eternel : Mon refuge et ma forteresse,
Mon Dieu en qui je me confie !

E. Ropp