Alexeï Bogdanow, dont notre Mission soutient le ministère, est responsable de l’assemblée de Tobolsk (Sibérie). Il nous écrit :
Ce qui ne devrait pas sortir d’une bouche d’enfant !
Un soir, en me rendant à notre église, j’ai rencontré deux jeunes femmes ivres. À côté de l’une d’elles marchait sa fille de dix ans qui pleurait amèrement. La fillette essayait de s’agripper à sa mère et répétait, sanglotant : « Maman, ne pars pas ! Maman, ne nous abandonne pas ! »
M’apercevant, la jeune mère me dit : « Alexeï, prends ma fille Lisa pour que nous en soyons enfin débarrassés ! »
J’ai emmené l’enfant à l’église et il m’a fallu une demi-heure pour la calmer. Alors seulement elle a pu répondre à ma question : « Pourquoi pleures-tu tant ? »
La réponse de la petite m’a profondément ému : « Ma maman va toujours chez cette femme. Elles boivent toute la nuit. Mon père est en prison. J’ai encore deux frères. Nous serons de nouveau seuls cette nuit et cela nous fait très peur. » Voilà des paroles qu’un enfant ne devrait pas avoir à prononcer.
Ce que l’homme sème,
il le moissonnera aussi
Le bâtiment de notre église est petit et coincé entre deux immeubles de cinq étages qui ne comportent que de petits logements sociaux. Leurs habitants reflètent la société actuelle avec tous ses problèmes et ses vices.
Durant plus de 70 ans, tout ce qui est divin a été piétiné et éliminé sans pitié ; le nouvel empire a été construit sans Dieu. Les dirigeants ont pris la place de Dieu, exigeant d’être honorés comme tel.
Les idéaux auto bricolés sont devenus des chimères. En fréquentant cette population, je vois les fruits pervers produits par la semence de l’athéisme : pauvreté totale, ivrognerie, débauche, dépendance de l’alcool et des drogues, absence de but et décès prématurés.
Généralement, ces appartements sont occupés par des mères seules, leurs maris étant en prison ou ayant disparu sans laisser de trace. Le désespoir pousse nombre de ces femmes dans l’alcoolisme.
Les enfants des rues
Les enfants sont au centre de tout cela. Ce sont des enfants de la rue, car livrés à eux-mêmes et passant le plus clair de leur temps hors de leurs appartements. Ils ont des destins effrayants. Au lieu de fréquenter l’école, beaucoup apprennent uniquement à survivre.
J’ai demandé à un garçon de cinq ans : « As-tu déjà mangé aujourd’hui ? » Il a répondu : « Juste un peu de pain, car maman ne fait pas la cuisine. »
Les cœurs de ces enfants ne sont pas encore totalement endurcis. Ils recherchent un ersatz à l’absence d’amour parental. Ils sont très réceptifs à la bonté que nous leur témoignons et ils aiment venir à l’école du dimanche. Là, ils apprennent par cœur des versets bibliques, chantent et prient. Hélas, ensuite ils doivent retourner à leur quotidien. Je vois ces enfants presque tous les jours. Ils sont mes amis.
Simplement comme ça !
Cela fait quatre ans que notre église organise des colonies durant les vacances d’été. La plupart des enfants sont des cas sociaux issus des deux immeubles de cinq étages. Au début, ils étaient 30 ; actuellement ils sont 80 !
Au cours des dix journées que dure la colonie, nous pratiquons des sports, des jeux, des travaux manuels ; nous chantons et apprenons des versets bibliques par cœur. Les enfants sont ouverts et confiants. Certains viennent simplement parce qu’ils n’ont rien à manger chez eux !
Quelques-uns se sont convertis et transmettent avec candeur à leurs parents ce qu’ils ont compris. Malheureusement, ils rencontrent souvent une forte opposition. Une dame âgée, dont les petits-enfants venaient chez nous, ne pouvait pas comprendre notre attachement pour eux. Elle m’a dit : « Certainement que cela vous rapporte quelque chose. Vous voulez faire de nos enfants des zombies. Dans ce monde, on ne fait rien simplement comme ça ! ». Je lui ai répondu : « Pourtant le soleil brille, lui aussi, pour tous ! De même, l’air que nous respirons, nous en disposons aussi, simplement comme ça ! Personne ne peut m’empêcher d’aimer les enfants, simplement comme ça ! »
Cependant, le bureau social de la ville apprécie notre travail auprès des cas difficiles et il me demande de proposer des solutions à leurs problèmes. J’ai même été chargé de visiter plusieurs familles déchirées. Presque toutes les familles ont reçu un Nouveau Testament et elles ont été invitées à nos cultes. À certaines, nous avons pu donner des habits et des chaussures.
Quand la salle de culte sent le tabac et que les “intraitables” ressentent l’amour
Le bouche à oreilles a aussi des résultats positifs. Une femme d’un village voisin nous a amené ses deux petits-fils et a demandé la permission d’assister au cours biblique. Puis elle nous a demandé : « Puis-je amener demain cinq autres enfants, issus d’une famille totalement détruite ? Peut-être ressentiront-ils au moins ici un peu de chaleur et de l’amour. Mais je vous préviens, ce sont des enfants difficiles ! »
J’ai répondu : « Amenez-les ! »
Effectivement, les enfants ont été vraiment sauvages le premier jour. Mais, dès le lendemain, ils sont revenus avec des camarades, dont l’un était pieds nus !
Soudain nous remarquons une fillette qui pleure. Pourquoi ? « Ma mère me battra très fort aujourd’hui, car mes chaussures se sont déchirées au jeu ! » Nous avons pu lui en procurer une paire neuve.
Les habits des enfants sont sales et dégagent une forte odeur de tabac dans notre local. Il en va de même dans leurs logis. Mais ce “bouquet” nous réjouit ! La maison de notre Seigneur n’est pas seulement ouverte à ceux qui sont nets et soignés.
Mais l’aspiration du monde à l’Évangile est plus grand que notre disposition à y répondre ! La moisson est mûre. C’est pourquoi notre but est de “pratiquer l’Évangile”.
Je suis persuadé que, dans son amour, notre Sauveur veut transformer ces “enfants de la rue” en “enfants de Dieu”. C’est aussi pour eux qu’Il est venu ! Veuillez, vous aussi, prier pour cela.
A. Bogdanow, Tobolsk (Russie)