donnez-leur vous-mêmes à manger

Voyages missionnaires chez les Khantys (suite n°128)

“Qui enverrai-je ? Et qui marchera pour nous ?” (Ésaïe 6.8)

Le pasteur Nikolaï Richouk est notre contact en Biélorussie. Il y a deux ans, l’appel de Dieu s’est manifesté à nouveau à son cœur : « Qui enverrai-je ? »

Cette fois-ci, il s’agissait d’une mission auprès des peuples nomades des Khantys et des Nénètses dans le nord-ouest de la Sibérie.

La grande majorité d’entre eux n’a jamais entendu parler de l’Évangile. Lors du premier voyage, les nomades avaient apprécié Nikolaï et l’avaient invité à revenir (cf. le n°128). Pour Nikolaï, cela signifiait une nouvelle absence pour son église, pour sa famille et une diminution sensible de son salaire déjà faible.

Les voyageurs affrontent de multiples dangers : le froid extrême, des chemins impraticables, des fleuves dangereux, des infections, une Taïga infranchissable habitée par des animaux sauvages, etc. La mort guette partout.

Mais Nikolaï ne peut pas dire non. Il en est à son septième voyage. Habituellement il est accompagné de deux ou de trois frères. Nous soutenons ces missionnaires, car ils répondent toujours favorablement “oui” à l’appel de Dieu.

Ci-après les rapports du frère Nikolaï sur ses deux voyages en 2015.

Mars : annonce du salut sur le “grand-huit” du Nord

L’équipe se compose de quatre personnes. Dimitri Mannikov est missionnaire et habite avec sa famille à Ugut, au nord d’Omsk (Sibérie occidentale). Andreï Osselsky (74 ans) est pasteur en Moldavie. À l’époque de l’URSS, il était en prison en Sibérie pour sa foi. Aujourd’hui, il profite pleinement de sa liberté et brûle du désir d’annoncer l’Évangile dans le Nord. Le pasteur et médecin moldave, Liviu Gusak, est le quatrième membre de l’équipe.

Les mois de mars et avril sont encore des périodes hivernales. Les nuits, le thermomètre indique toujours autour des -30°C, mais le soleil apparaît de plus en plus en journée. Nous remercions les donateurs de la mission pour notre nouvelle motoneige, elle nous a transportés partout sans aucun problème.

Mais la Sibérie impose ses exigences... Bien que nous ayons roulé prudemment, le terrain bosselé et les ornières ont “expédié” le frère Osselsky dans le décor à cinq reprises. Par chance, la neige était épaisse...

Pour un voyage en sécurité sur une luge, il faut avoir des gestes précis, mais le médecin de la belle Moldavie ensoleillée ne les avait pas encore acquis. Par trois fois, il fut désarçonné de sa luge accrochée à la motoneige. Plus tard, il raconta qu’il n’avait encore jamais autant prié et imploré Dieu qu’à ces occasions !

Le frère Liviu est un très bon médecin, cependant face à l’insalubrité ses connaissances de l’hygiène le mettaient au défi. Assez souvent, il s’est résigné à rester à jeun au moment des repas. Lorsqu’il exprimait son avis avec précaution sur l’eau à boire tirée du marais, la femme khantys lui répliquait avec confiance : « Ne savez-vous pas que l’eau du marais est filtrée à travers l’herbe et la mousse ». Mais Liviu décida de renoncer à la consommer.

Pendant le voyage, Liviu a pu aider de très nombreuses personnes de façon pratique. Dans ces contrées sauvages, il n’y a ni médecin, ni hôpital. Son bilan sur l’état de santé du peuple Khantys est pessimiste : une personne sur deux est atteinte de tuberculose ! Cependant, les missionnaires restent en contact étroit avec les habitants et la préservation des serviteurs de Dieu est un grand sujet de prière !

Seul l’amour pour ces personnes, perdues dans leurs péchés, nous motive pour poursuivre la tâche sur ces chemins éloignés et difficiles. Mais Jésus a parcouru un chemin bien plus difficile pour nous atteindre, nous libérer et nous racheter. De lui seul, notre Sauveur, émane notre message pour ces personnes, autant considérées au plan individuel qu’au sein de leurs rares églises.

Juin : entre deuil et joie

Le voyage a débuté en juin chez les Khantys. Il fut marqué par des difficultés toutes particulières, mais aussi par des bénédictions. Cette fois-ci, j’étais accompagné d’Alexeï, un prédicateur de mon église voisine, ainsi que du frère Dimitri Mannikov (déjà mentionné plus haut) et de son fils. La mission “La Bonne Nouvelle” avait financé un moteur plus puissant pour notre bateau, de sorte que nous avons progressé bien plus vite dans le pays.

Notre nouveau parcours s’effectua le long du fleuve “Grand Yougan” (long de 1080 km), un affluent de l’Ob qui traverse la Taïga. Les colonies de Khantys sont établies pour la plupart aux abords du fleuve. Le Grand Yougan provoque des inondations et charrie de nombreux arbustes et autres arbres déracinés. Le voyage, bien que plus rapide était cependant dangereux. Nous observions avec anxiété les écueils émergés devant nous pour mieux les éviter, tout en priant le Seigneur de nous protéger.

Peu avant notre arrivée à Ryskini, notre premier lieu d’accostage, quatre Khantys viennent à notre rencontre à bord d’un bateau. Ils paraissent tristes. Quelques centaines de mètres plus loin, nous apercevons un bateau vide. Son occupant avait heurté un tronc d’arbre immergé faisant chavirer l’embarcation. Il était saoul et ses amis recherchaient son corps. Au demeurant, une telle mort n’est pas rare chez ce peuple, car l’alcool y fait de grands ravages.

La tragédie était déjà connue de tous à Ryskini et ce fut l’occasion d’une entrée en matière pour évangéliser. Les gens écoutèrent avec intérêt nos chants et notre prédication. Deux jeunes hommes suivirent l’appel à confier leur vie à Jésus-Christ. Ils s’agenouillèrent simplement sur le sol poussiéreux pour implorer le pardon de Dieu. Puis, nous avons rendu visite aux familles Khantys du village, leur parlant du salut en Jésus-Christ et distribuant des Nouveaux Testaments.

Plus loin, nous avons visité plusieurs autres colonies, ainsi que des yourtes isolées. Les réactions étaient diverses, de la réserve à l’enthousiasme. Dans l’une des yourtes, on nous montra des éléments d’une armoire de cuisine. Tout en les aidant à les monter, nous leur avons parlé de Jésus. Nos hôtes nous écoutèrent avec une grande attention et nous témoignèrent le plus grand sens de l’hospitalité.

Nous avons également pu instruire et encourager dans leur foi d’autres Khantys, déjà convertis lors de précédentes visites.

Au bout d’une semaine, nous étions revenus à notre point de départ. Notre plus grand tourment avaient été des essaims de moustiques qui voulaient tout simplement nous dévorer ! Mais l’essentiel était d’avoir atteint l’objectif fixé pour le voyage.

Protection contre le feu

Nous avons célébré le culte du dimanche matin à Ugut, chez les Mannikov. Après avoir fait le plein d’essence, nous nous sommes préparés à la deuxième phase du voyage sur le fleuve du Petit Yougan (521 km), un affluent du Grand Yougan. Le long de cette rivière, qui a elle-même 26 affluents, nous avons profité de chaque occasion pour annoncer l’Évangile. Nous n’avons pas accosté près d’une petite colonie car là vit un chaman noir. Son agressivité à l’égard des chrétiens est telle qu’il les menace de mort. Il nous semblait que le moment n’était pas propice pour une visite. Plus tard, nous apprenions que sa femme s’était sentie offensée de ne pas avoir eu l’occasion de nous exprimer son sens de l’hospitalité, une tradition incontournable !

Nous étions parvenus dans la zone la plus éloignée du point de départ lorsque cela s’est produit… On finissait de remplir le réservoir d’essence, quand un autre frère mit le moteur en marche. À ce moment-là apparut une flammèche sur le contact des pinces sur la batterie. Le carburant qui s’était écoulé du jerrican de 50 litres s’enflamma aussitôt. En saisissant le jerrican pour le jeter par dessus bord, je renversai du carburant sur mon corps, sur celui du frère qui se tenait à côté de moi et dans l’embarcation. Nous étions aussitôt deux torches vivantes et nous avons sauté dans l’eau pour sauver nos vies. En même temps, Dimitri combattait le feu sur le bateau, jetant par dessus bord tout ce qui flambait. Par bonheur, un Khanty croyant, qui passait par là sur son bateau, nous porta secours et, bientôt, le feu fut totalement éteint.

Contrairement à ce que l’on pouvait craindre, le réservoir du bateau n’a pas explosé et le moteur démarra au premier essai. Après ce bain glacé, nous nous sommes assis dans le bateau avec de légères brûlures et nous avons remercié le Seigneur de nous avoir préservés du pire.

Visite chez le chaman blanc

Reprenant notre voyage, nous sommes arrivés vers la yourte de Lazare, un chaman blanc.

Qu’est-ce qu’un chaman blanc ? À la différence des chamans noirs qui entrent en contact avec les démons, prononcent des malédictions ou les repoussent, les chamans blancs s’attribuent une autre mission. Ils se manifestent comme des guérisseurs et des sages qui détiennent la connaissance de la nature et du monde animal. Ils donnent des conseils quand l’homme a des problèmes et veut connaître son avenir. Contrairement aux chamans noirs, ils affirment qu’ils sont en contact avec les “bons esprits” et se servent de la “magie blanche”. Nous savons cependant, en tant que chrétiens, que c’est le même adversaire qui se manifeste ici, se déguisant en “ange de lumière” (2Cor 11.14).

Nous avions rendu visite à Lazare il y a un an et nous avions passé la nuit à lui parler du salut en Jésus-Christ. Sa famille nous accueillit à nouveau très chaleureusement. Lui-même nous dit que quelque chose l’avait poussé à chauffer son petit réduit à bain sans savoir que nous arrivions. Cela nous a permis de nous changer et de faire sécher nos habits mouillés. De nouveau, jusque tard dans la nuit, nous avons longuement échangé avec la famille sur le message du salut. Lazare cherche la vérité. Il était impressionné d’apprendre que Jésus aimait se rendre chez son homonyme Lazare. Le lendemain, au moment de prendre congé, il nous donna 60 litres d’essence pour le retour.

Nous n’avions plus de bâche protectrice sur le bateau car elle avait été détruite par le feu. Il faisait froid, il ventait et pleuvait…

Dieu se manifeste au travers de l’éclair et du tonnerre

Le soir, nous avons accosté près d’un campement pour passer la nuit chez Slava et Sveta, des Khantys que nous connaissions. Ils nous firent bon accueil, néanmoins ils écoutèrent notre prédication avec scepticisme. Dimitri leur dit alors : « Si vous ne prenez pas nos paroles au sérieux, Dieu peut s’adresser à vous d’une autre façon, par exemple par des éclairs et du tonnerre. » Il pleuvait justement au dehors.

Nous nous sommes agenouillés pour prier pour les habitants de la maison et ceux du village, tandis que le couple se tenait près du poêle et nous observait en silence. Soudain, un éclair frappa le toit de la maisonnette en un bruit assourdissant. Le poêle communiquait avec l’extérieur par une cheminée métallique et le choc fut si violent que le couple fut projeté au sol. En un clin d’œil, Slava et Sveta, se mettant à genoux à nos côtés, se mirent à prier en tremblant et demandant pardon pour leurs péchés. Nous étions également très secoués. Nous avions du mal à garder notre équilibre et nous nous demandions si la petite maison n’allait pas s’écrouler ! En se relevant après la prière, Dimitri ouvrit sa Bible en Job 37, aux versets 2 à 4 et demanda à Slava de les lire. Celui-ci était bouleversé quand il lut : “Écoutez, écoutez le frémissement de sa voix, le grondement qui sort de sa bouche ! Il le fait rouler dans toute l’étendue des cieux, et son éclair brille jusqu’aux extrémités de la terre. Puis éclate un rugissement : il tonne de sa voix majestueuse ; il ne retient plus l’éclair, dès que sa voix retentit.”

Slava lut ces versets à nouveau et ne voulut plus rendre la Bible. Après la pluie, nous sommes allés voir les restes fondus de l’antenne sur le toit, victime de la foudre. Mais cela ne préoccupait pas vraiment Slava. Il insista pour qu’on se rende chez son voisin. Il voulait raconter à tout le monde que, en fait, le tonnerre est la voix de Dieu !

Bilan et remarques

Un voyage missionnaire de plus de 2000 km en bateau exige beaucoup d’énergie et d’investissement personnel. Certes, nous étions fatigués, mais également heureux d’avoir été les intruments de Dieu. L’Évangile réchauffe le cœur des hommes, des cœurs glacés par le péché. Le résultat est que des Khantys se convertissent à Jésus.

Mais mon cœur pleure qu’il y ait encore autant de gens qui végètent dans les ténèbres spirituelles des étendues du Grand Nord. L’appel de Dieu, qui reste toujours d’une brûlante actualité, résonne : « Qui veut être un messager pour leur apporter la Bonne Nouvelle de l’Évangile ? »

Nous remercions Dieu parce que beaucoup de chrétiens de l’ouest de l’Europe prient pour nous. L’efficacité de ces prières s’est aussi montrée dans les situations où nous étions en danger de mort. S’il vous plaît, continuez à prier pour nous.

Nikolaï Richouk

Sujets de prière : Prions plus particulièrement pour les missionnaires Dimitri Mannikov et Jevguéni Checkovtsov sur place. Leurs grandes familles doivent se priver de beaucoup de choses. Les Chekhovtsov attendent un 10e enfant au printemps 2016.