Mission en Yakoutie
Le pays des contrastes
La Yakoutie est très étendue en comparaison de l’Allemagne. Sa superficie est 8,7 fois celle de l’Allemagne (Ndlr : près de 6 fois celle de la France métropolitaine). Pourtant cet énorme territoire n’a que 960.000 habitants. La plupart, environ un quart de la population, habite dans la capitale, Yakoutsk, une autre partie est établie dans les villes le long des fleuves qui servent de voies de communication principales. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui vivent dans de petites localités loin de toute civilisation.
Depuis l’Allemagne, en voiture, il faudrait parcourir presque 11.000 km pour atteindre la Yakoutie. Cette grande distance s’accompagne d’un décalage horaire de 8 heures. Les températures sont également d’un tout autre ordre. En hiver, -40° à -60°, sont des valeurs quotidiennes. Même l’été le sol ne dégèle que sur un mètre environ. Dans certaines régions, la terre est gelée jusqu’à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Pendant le court été, il peut faire environ +20° et, certains jours, vu la durée du jour arctique, on peut même arriver à +40°.
“Christianisés” et pourtant sans Christ
Les Yakoutes sont un peuple qui parle turc et qui, au cours des migrations, il y a 800 ans, sont venus des régions de l’Altaï et de l’Asie centrale pour s’établir dans le nord-est de la Sibérie, apportant leur langue et leur culture. Leur activité principale est l’élevage de chevaux et de bovins, à l’inverse des peuples autochtones, des Évènes, des Éwenks et des Youkaguirs, qui vivent plutôt de l’élevage de rennes, de la pêche, ainsi que de la chasse.
La religion d’origine des Yakoutes se compose de tengrisme (Ndlr : foi dans le ciel bleu protecteur), d’animisme (id. : croyance en un esprit, une force vitale, qui anime les êtres vivants, les objets et les éléments naturels, comme les pierres ou le vent, ainsi qu'en des génies protecteurs), et de chamanisme (id. : croyance en la médiation entre les êtres humains et les esprits de la nature ou les âmes du gibier, les morts du clan, les âmes des enfants à naître, les âmes des malades à guérir, la communication avec des divinités). C’est un mélange de foi en un dieu établi au ciel et une croyance aux esprits et aux ancêtres qui protègent les hommes, les aident et pourvoient à leurs besoins.
Au 18e siècle, les Yakoutes et les autres peuples de Sibérie furent intégrés à l’Empire du tsar russe, puis “christianisés”. Beaucoup d’entre eux ont été baptisés par les prêtres orthodoxes et sont ainsi devenus, formellement, membres de l’Église orthodoxe. La Bible leur est toujours aussi inconnue, ce qui les a conduits à mélanger la foi orthodoxe à la croyance aux esprits et au chamanisme. De plus, le tengrisme se rencontre chez les populations bouddhistes, tels que les Mongols, ainsi que chez les peuples musulmans, comme les Turkmènes et les Kirghizes.
À la recherche de la paix…
et pourtant une peur perpétuelle
En Yakoutie les anciennes pratiques païennes sont encore en suivies aujourd’hui. Ainsi, chaque été, a lieu la fête de l’ysach qui célèbre la venue de l’été, de sorte que les gens adorent le soleil pour sa lumière, sa chaleur et la fertilité. On allume des feux et on offre en sacrifice du lait de jument et autres aliments ; c’est ce qu’ils appellent “nourrir le feu”.
Les gens redoutent le malheur comme aussi les esprits. Au bord des routes ont trouve souvent des “arbres” sacrés. À chaque passage, à pied ou en voiture, on s’arrête pour “offrir” une petite chose : une pièce de monnaie, des cigarettes, des allumettes, un mouchoir ou un morceau d’étoffe coloré.
Autrefois, quand quelqu’un mourrait, on “l’inhumait” dans un cercueil placé aussi haut que possible dans les arbres, espérant qu’ainsi l’âme du défunt pourrait aller au paradis.
En dépit de tous ces rituels et efforts personnels, les gens n’ont pas la paix et s’adonnent à l’alcool et à bien d’autres vices.
Lumière au pays de l’ombre de la mort
Le seul qui puisse apporter lumière et paix aux hommes, c’est Jésus-Christ. Mais, durant tant de siècles, les Yakoutes étaient comme un peuple marchant dans l’obscurité. Jusqu'au milieu du 20e siècle, il n’y avait pas de chrétiens confessants en Yakoutie. Arrivèrent alors les premières personnes qui connaissaient la Bible, la Parole de Dieu…
La Yakoutie est très riche en ressources minérales, telles que l’or et le diamant. Déjà sous Staline, on avait construit les premières routes pour exploiter les richesses du sous-sol. C’est ainsi que la Yakoutie est devenue un lieu de bannissement pour des milliers de personnes. Jusqu'à ce jour on voit les vestiges des baraquements et des camps de travaux forcés où vivaient les forçats. Mais on ne trouve aucun cimetière : les forçats étaient simplement enterrés “dans la route” qu’ils construisaient...
Dans ces camps il y avait aussi des chrétiens. Ils étaient accusés de lire la Bible et d’organiser des cultes. C’est ainsi que les Yakoutes entrèrent en contact avec des chrétiens qui vivaient selon la Bible. Dans leur condition de prisonniers, ces chrétiens sont devenus des témoins vivants pour leurs codétenus. Quand ils apprirent qu’il n’y avait pas de chrétiens en Yakoutie, ils se mirent à prier pour les peuples établis dans ces régions. Beaucoup d’entre eux ne sont plus jamais rentrés de leurs camps. Mais la semence de la Parole de Dieu était tombée dans cette terre du permafrost (Ndlr : terre toujours gelée) et, là aussi, s’est vérifiée cette parole des Écritures :
“Si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.” (Jn 12.24)
Premiers fruits, mais aussi premières épreuves
Les années passèrent. L’Union soviétique s’est effondrée. Désormais, les chrétiens purent venir en Yakoutie et annoncer librement la bonne nouvelle de l’Évangile, de sorte que les premiers Yakoutes ont cru en Jésus-Christ. J’ai été l’un de ces premiers d’entre eux qui se sont fait baptiser. Depuis lors, la Parole de Dieu est proclamée parmi les Yakoutes dans leur langue maternelle. Par la grâce de Dieu, de plus en plus de Yakoutes se sont convertis, et des groupes de prière et d’étude biblique se sont formés et se sont développés pour devenir des églises.
Quand ils ne pouvaient plus se réunir dans les maisons, ils ont cherché un moyen d’organiser des cultes. Les débuts de ces communautés n’ont pas toujours été faciles.
À Chandyga, à 450 km à l’est de Yakoutsk, la communauté avait aménagé la moitié d’une maison double en local pour des réunions. Mais un jour cette moitié a brûlé ; ce fut sans doute un incendie criminel, car a proximité du départ de l’incendie il n’y avait ni ligne électrique, ni cheminée. L’église a demandé de l’aide et la mission FriedensBote l’a soutenue dans la construction d’un autre lieu de culte. C’est ainsi que ces croyants ont dû apprendre que le chemin du disciple passe parfois par la souffrance.
As-tu prié pendant dix ans ?
Il n’y a pas eu que les chrétiens enfermés dans les camps de travaux qui ont dû prier pendant des années pour les peuples de la Sibérie. À Ulachan-An, longtemps il n’y avait que deux chrétiennes. Durant presque dix ans elles ont prié pour une percée spirituelle dans leur localité.
Puis, en un laps de temps assez court, dix hommes se sont convertis l’un après l’autre. Un vrai miracle, car d’ordinaire les hommes ont plus de mal à tomber à genoux devant Dieu pour lui demander pardon. Avant leur conversion ils étaient connus au village pour être de grands bagarreurs. Mais lorsqu’ils devinrent paisibles, sobres et prévenants, leurs épouses voulurent savoir ce qui leur était arrivé. Elles les ont donc accompagnés au culte et bientôt se convertirent à leur tour. Là aussi, FriedensBote a aidé à aménager un lieu de culte.
Actions d’évangélisation en arctique
Comme les gens habitent parfois de manière très dispersée, ils sont difficiles à atteindre. En hiver ces localités très éloignées ne sont accessibles qu’en suivant les fleuves gelés. Avec le soutien des amis de la mission FriedensBote, des actions missionnaires sont entreprises depuis 9 ans avec le “chasseur”, un véhicule 4x4. (Ndlr : voir le bulletin n°134)
Ces actions dans l’Arctique s’étendent chaque fois sur des distances de 1.000 à 9.000 km et durent en général entre 30 et 45 jours. Jusqu'à présent, Dieu n’a cessé d’exaucer les prières et de protéger les participants à ces voyages de tout problème de santé – bien qu’il y ait déjà eu quelques pannes. C’est un miracle de Dieu, car chaque année des personnes meurent sur ces trajets, parce que la glace se brise sous elles et elles meurent de froid. Bien des fois les chrétiens ont eu l’occasion d’aider des gens accidentées sur un fleuve gelé. C’est alors une très bonne occasion pour annoncer le message de l’Évangile.
Loi antiterroriste et faim de la Bible
Notre dernier voyage a eu lieu en janvier 2017. Quand nous arrivons dans une localité, nous commençons par rendre visite à l’administration municipale. Nous offrons un Nouveau Testament et demandons l’autorisation de parler de Dieu aux gens dans une salle communale. À ce jour, cela nous a été accordé dans la plupart des cas.
Cependant, depuis qu’en été 2016 la “loi antiterroriste” est entrée en vigueur (Ndlr : voir le bulletin n°133: “Interdiction du témoignage public en Russie”), les autorités n’aiment pas les rassemblements publics. Mais nous trouvons toujours à nouveau des gens qui nous posent des questions et qui nous invitent chez eux. C’est ainsi que nous pouvons répondre à leurs attentes par des entretiens personnels et leur parler de la voie du salut.
En cours de route, lors de nos rencontres, nous offrons un Nouveau Testament en yakoute aux personnes intéressées. Il est aussi arrivé qu’en cours de conversation une personne veuille demander à Dieu de pardonner ses péchés. Il fallut alors lui expliquer comment prier…
Parfois aussi nous arrivons chez quelqu’un qui se trouve justement au seuil de l’éternité. C’est ainsi que, au cours d’un voyage, nous avons rendu visite à une femme gravement malade. Pendant des heures je lui ai expliqué le chemin du salut. Dieu lui a fait grâce et elle s’est convertie. À notre départ elle me dit : « Maintenant je sais pourquoi je suis restée si longtemps malade et ne suis pas morte. Il fallait que tu viennes et m’expliques comment je pouvais être sauvée. Dieu m’a accordé sa grâce ! ». Lorsqu’au retour, quelques semaines plus tard, nous sommes repassés dans ce village, on nous a dit que la vieille dame était déjà dans l’éternité.
Nous ne cessons d’être impressionnés de voir comment Dieu sauve des gens de diverses couches sociales. Des personnes qui ont vécu loin de Dieu, sont transformées par la Parole de Dieu. Ainsi se constituent toujours de nouveaux groupes de maison.
Nous espérons pouvoir faire un autre voyage d’évangélisation au printemps 2018. Une telle action se situe généralement fin de mars à mi-avril, quand il ne fait plus aussi froid, c'est-à-dire aux environs de -40°C.
Le projet “chaleur” fait fondre la “glace du cœur”
Même durant la saison froide, quand il fait jusqu'à -60°, nous pouvons aussi “parler” de Christ aux gens en leur exprimant notre amour. L’hiver, nombreux sont ceux qui manquent de combustible pour se chauffer. Nous mettons alors en œuvre le projet “Chaleur” pour leur manifester l’amour de Dieu en actes. Cela nous ouvre non seulement les portes des maisons, mais aussi celles des cœurs. Avec le temps, cette chaleur finit aussi par faire fondre les cœurs !
Natacha et Léna, deux sœurs, sont un exemple de l’action de Dieu. Elles ont grandi sans parents dans un orphelinat. Devenues majeures elles se sont retrouvées dans la rue et, comme c’est souvent le cas, elles n’ont pas su gérer cette nouvelle situation. Les filles en particulier espèrent fonder une famille, mais leurs familles se brisent généralement bien vite, Dieu n’étant pas mis au centre et chacun insistant sur ses droits.
À un moment donné, les deux sœurs se sont retrouvées seules avec leurs enfants. Ne trouvant pas de travail, elles ont noyé leur chagrin dans l’alcool jusqu'à en devenir dépendantes…
Cela vaut la peine
Quelques dames chrétiennes ont trouvé ces deux femmes avec leurs enfants et ont parlé de leur situation dans leur église, demandant qu’on leur apporte un peu de bois de chauffage. C’est ce qui a été fait. Pendant deux années, ces chrétiennes ont maintenu leur visite, expliquant comment tenir un ménage et prendre soin des enfants et continuant d’apporter du bois. Deux longues années durant, elles ont expliqué à ces deux femmes qu’il leur faut venir à Dieu… Mais, tout cela en valait-il vraiment la peine ?
Quelle surprise donc, lorsqu’un jour de l’été passé une de ces femmes est venue avec ses trois enfants à notre rencontre pour enfants ! Depuis lors elle vient aussi au culte, le dimanche. Mais il faut être très patients... Veuillez prier pour que Natacha et Léna se convertissent et que leurs enfants connaissent un autre genre de vie que leurs mères et surtout croient au Sauveur.
Je dis souvent à ma fille Ruth (6 ans) : « Tu as de la chance. Combien d’enfants n’ont pas ce que tu as : beaucoup n’ont pas de père ou de mère ; certains vivent dans des orphelinats ; d’autres n’ont qu’une mère qui doit les élever seule, ou ils ont un père, mais il est toujours sous l’emprise de l’alcool. Remercie Dieu d’avoir tes deux parents, cela ne va pas de soi ! »
Ta prière est précieuse
Que ce soit par les actions de Noël
ou par les colonies de vacances,
nous pouvons atteindre non seulement les enfants, mais aussi largement les parents et même les grands-parents.
C’est ce qui s’est produit dans la ville de Njurba, à 800 km à l’Ouest de Yakoutsk.
C’est là que j’ai vécu trois ans avec Natacha, mon épouse.
Nous y avions organisé, entre autres, des colonies de vacances.
Y venaient surtout des enfants de milieux défavorisés.
Un jour, nous y avons entendu une fillette dire aux autres qui faisaient la moue devant la nourriture : « Mangez ! Vous n’aurez pas de sitôt une autre occasion de vous rassasier gratuitement ! »
Aujourd'hui cette fillette, Ajina, a grandi. Elle a raconté à sa grand-mère ce qu’elle avait entendu de Dieu à la colonie. Celle-ci a commencé à s’intéresser et elle est venue au culte. Elle s’est convertie et a reçu le baptême. De telles conversions sont aussi le fruit des prières et du soutien des chrétiens d’Europe. Parfois on se dit : « Qu’est-ce que ça change, ma petite aide ? »
Cette aide et les prières n’ont pas de prix, car c’est par elles que s’ouvre la possibilité de faire notre travail dans la lointaine Yakoutie. De tels témoignages nous encou-ragent à poursuivre notre service.
Un important sujet de prière est également la traduction de l’Ancien Testament en langue yakoute. La plupart de ses livres sont traduits et se trouvent à l’étape de la révision. Nous espérons pouvoir bientôt les imprimer !
Des travailleurs immigrés musulmans rencontrent le Christ
Beaucoup de travailleurs immigrés continuent de venir d’Asie centrale en Yakoutie. La plupart d’entre eux proviennent d’Ouzbékistan et du Kirghizstan. Comme nos langues sont apparentées, il m’est facile d’entrer en contact avec ces gens. Pour leur parler de Dieu, le mieux est de les inviter chez soi et de leur offrir l’hospitalité. Il nous est parfois possible, près d’un stand du marché, de leur chanter quelques cantiques dans leur langue.
Il arrive aussi que Dieu prenne des voies peu ordinaires pour attirer une personne à lui. J’ai rencontré un travailleur immigré dans un abri de chantier. Il était originaire d’Ouzbékistan et une entreprise l’avait embauché comme gardien. Lorsque, après avoir été attaqué, il sortit de l’hôpital, il s’est traîné jusqu'à sa cabane. Où pouvait-il aller autrement ? C’est là que je l’ai trouvé.
Nous l’avons pris avec nous et il a passé quelque temps dans les locaux annexes de l’église. Ce fut une grande joie pour nous le jour où il s’est converti à Jésus-Christ. Quand il est allé un peu mieux, il nous a demandé de l’aider à retourner dans son pays. C’est ainsi qu’il est rentré par avion en Ouzbékistan, emmenant dans son cœur la paix que le Christ lui a offerte. Nous prions pour qu’il puisse être, parmi les siens, un poteau indicateur vers le chemin qui conduit à Dieu.
Merci pour vos prières ! Ne nous oubliez pas !
Au nom des chrétiens yakoutes, je voudrais ici exprimer notre chaleureuse gratitude à tous ceux qui prient pour notre travail et nous soutiennent financièrement par le canal de la FriedensBote (Messager de la Paix).
Ce sont précisément les paquets de vivres de l’action “De cœur à cœur” et les paquets de Noël de l’action “Un Noël pour CHAQUE enfant” qui, outre les colonies de vacances, sont les meilleurs moyens d’expliquer aux gens pourquoi Jésus est venu en ce monde et pourquoi chacun a besoin de lui. S’il vous plaît, ne nous oubliez pas !
“Priez en même temps pour nous, afin que Dieu nous ouvre une porte pour la parole, en sorte que je puisse annoncer le mystère de Christ...” (Colossiens 4.3)
Saïd Protopopov