donnez-leur vous-mêmes à manger

Que se passe-t-il à Cuba ?

Cuba est un état insulaire des Caraïbes, au large de la Floride. C’est aussi l’île principale d’un archipel composé de 4195 petites îles, totalisant une superficie de 110 922 km² (environ le cinquième de la France). Cette grande île s’étend d’ouest en est sur 1250 km. Son contour rappelant la forme du crocodile, on parle aussi de Cuba comme du “Caïman Vert”.

Le pays compte environ 11 millions d’habitants, dont près de 2 millions à La Havane, la capitale.

« Seigneur, que veux-tu que nous fassions ? »

L’appel téléphonique du Canada nous a surpris. La voix du pasteur bien connu était émue : « Je reviens tout juste de Cuba. Vous les collaborateurs de la FriedensBote, vous avez vécu sous le communisme en Russie, vous savez par expérience comment on peut vivre et agir dans ces circonstances. Vous devez aider les chrétiens de Cuba ! »

Nous avons réfléchi et prié : « Seigneur, dirige-nous Toi-même dans cette question. Comment pouvons-nous transmettre une telle requête à nos lecteurs ? » En fait jusqu’à présent, comme œuvre missionnaire, nous nous sommes exclusivement concentrés sur le travail dans les pays de l’ex-URSS.

Cet appel nous a fait penser à Actes 16.9 : “Pendant la nuit, Paul eut une vision : un macédonien lui apparut et lui fit cette prière : Passe en Macédoine, secours-nous !” Auparavant, Paul avait d’autres projets que d’aller en Europe. Mais le Seigneur de la Mission lui montra de nouveaux horizons.

L’appel

Après un temps de prières, nous avons eu des échanges au sein de la mission et aussi une correspondance avec les frères de Cuba. Voici leur lettre :

« La Convention Baptiste de l’Est de Cuba a été fondée il y a 106 ans et elle est restée fidèle à sa mission pour le Royaume de Dieu, même au milieu des pires adversités.

Nous assurons la formation de missionnaires, en vue de fonder de nouvelles églises. De nombreux obstacles et difficultés se présentent à nous, tel le manque de lieux de réunion, de Bibles, de nourriture et de vêtements. Malgré cela, nous voudrions servir fidèlement le Seigneur.

Nous prions la Mission FriedensBote d’étendre son action dans l’Est de Cuba, et d’être partenaires avec nous dans nos efforts pour atteindre des personnes qui n’ont pas encore entendu l’Évangile.

Vous avez vécu votre foi en Jésus-Christ dans des circonstances adverses, dans l’ex-URSS. Vos expériences peuvent nous aider à mieux comprendre notre situation actuelle et à annoncer la pure doctrine de l’Évangile au sein d’un pays communiste, dans un contexte interculturel. »

Rév. Joël Luis Dupont, président de la Convention Baptiste de l’Est de Cuba

C’est ainsi que nous avons pris la décision d’envoyer deux des nôtres pour évaluer la situation sur place. Un frère nous a accompagnés comme traducteur.

Arrivée à Cuba

Le 4 janvier, nous avons atterri à Holguín, une ville du Sud-Est du pays. À l’aéroport, les difficultés typiques de ces régimes ont commencé. Mais après “seulement” deux heures, nous avons été autorisés à entrer dans le pays.

Puis ce fut notre accueil par les frères cubains. Nous étions très émus de rencontrer ces frères qui servent fidèlement notre Seigneur Jésus malgré leur situation difficile.

Dès que nous avons quitté la zone de l’aéroport, les images d’une pauvreté extrême nous ont presque abattus.

L’histoire : esclavage, guerres, espoirs et déceptions

Cuba est tombée sous la domination espagnole dans la première moitié du XVIe siècle. En quelques décennies, les indigènes furent pratiquement exterminés par la violence et les maladies. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les fermiers espagnols achetèrent des dizaines de milliers d’esclaves, surtout africains, pour l’exploitation des plantations de canne à sucre, exigeantes en main-d’œuvre.

Aujourd’hui, d’après les statistiques officielles, la population cubaine compte 65% de blancs, 10% de noirs et 25% de mulâtres et de métis.

Historiquement, le catholicisme était la seule religion acceptée. Durant des siècles, elle s’est opposée vigoureu­sement à tout essai d’implantation des protestants.

Mais elle n’a pu empêcher que beaucoup d’éléments païens provenant de la population indigène et des esclaves africains (la santeria, religion animiste des Yorubas africains avec ses pratiques occultes), ne se mélangent au catholicisme. Jusqu’à nos jours, ils exercent une grande influence sur la vie quotidienne cubaine et sont directement responsables, dans bien des domaines, de la misère et de la pauvreté.

Des missionnaires n’ont pu s’établir à Cuba que vers 1848, quand a éclaté le mouvement d’indépendance des indigènes vis-à-vis du gouvernement colonial espagnol. Malheureusement, cette indépendance (en 1902) n’a pas apporté l’amélioration désirée. Durant les décennies suivantes, Cuba a souffert de l’instabilité politique et de gouvernements corrompus.

En 1959, les révolutionnaires cubains, dirigés par les frères Fidel et Raoul Castro, ont renversé le dictateur F. Batista. Ils ont installé une dictature communiste dès 1961, conduisant Cuba à s’isoler des États-Unis et des pays occidentaux. Son soutien provenait désormais des états socialistes d’Europe de l’Est, surtout de l’Union Soviétique.

L’espoir de liberté et de justice prit de nouveau tristement fin pour ce peuple. En plusieurs vagues d’émigration, des centaines de milliers de cubains ont quitté leur patrie.

Nouvelles persécutions des chrétiens

Dans ce pays communiste, tous les chrétiens furent considérés comme “la lie de la société”. Beaucoup de bâtiments d’églises et autres biens ecclésiastiques furent confisqués. Les hommes et les femmes qui étaient activement engagés dans les assemblées furent envoyés dans les camps de rééducation. À longueur de journée, les détenus devaient travailler dans les plantations de cannes à sucre. Tous les soirs, ils subissaient des lavages de cerveau par des cours politiques obligatoires. Ceux qui refusaient étaient durement punis et torturés. Pendant cette difficile période de persécution, les églises ont uniquement combattu pour leur survie.

Seulement après 1985, la situation s’est un peu détendue pour les chrétiens. En 1992, Cuba est passé d’un état athée à un état séculier.

Ruine du système et nouvelle recherche du sens de la vie

La désintégration du bloc soviétique a déclenché à Cuba une grave crise économique. Brutalement, le commerce extérieur a chuté de 85%. L’industrie et les transports ont été anéantis, et suite à un rationnement drastique des produits alimentaires, est apparue la malnutrition. Les ouragans de 2008 ont accentué la crise.

Aujourd’hui, la moitié de la population ne s’occupe plus de politique et s’emploie essentiellement à résoudre les problèmes de la vie quotidienne. Les personnes que nous avons rencontrées dans la rue étaient le plus souvent très aimables. On est aussi frappé par le sérieux qui règne et qu’on ne rencontre pas dans les autres pays d’Amérique du Sud.

La recherche de la vérité, surtout chez les jeunes, est nettement perceptible. Toujours davantage de personnes demandent un entretien ou un contact avec des croyants.

Réveil et croissance des églises

Comme les églises protestantes étaient encore sévèrement contrôlées, les chrétiens ont ouvert leur logement privé aux personnes en recherche. Un réveil a commencé. Bientôt les salles des assemblées et des maisons privées furent bondées. Des toits de fortune assuraient de l’ombrage provisoire dans les arrière-cours pour la célébration des cultes. Ainsi les voisins aussi pouvaient entendre le message du salut en Jésus.

Depuis le début de 1991, la plupart des églises ont beaucoup grandi, le nombre de membres ayant triplé ou même quadruplé. D’après une estimation, les assemblées de l’Alliance Baptiste de l’Est, à elles seules, sont passées de 30 000 à 100 000 membres. On ressent partout une grande joie dans la foi.

Défis d’aujourd’hui

Au cours des dernières années, Dieu a poussé quelques sociétés missionnaires à œuvrer à Cuba. Mais les besoins dépassent largement les offres. Le plus grand défi des églises aujourd’hui est de faire progresser les nouveaux convertis et de les former à un service responsable. Il manque des collaborateurs, des Bibles, de l’argent et du matériel pédagogique.

La plupart des Cubains vivent dans une grande pauvreté. Le salaire moyen d’un ouvrier est de 12 à 15 € par mois. Malgré la pauvreté, les chrétiens ouvrent leur cœur aux besoins de leurs concitoyens et emploient aussi leurs maigres ressources pour aider les autres.

La bonne organisation des activités de l’église nous a beaucoup impressionnés. L’évangélisation et la fondation de nouvelles églises se développent avec beaucoup de consécration et de passion. Nous avons remarqué que les temps de persécution ont formé et soudé les chrétiens. Ils sont éprouvés par le chagrin, mais pas brisés. Ils sont constamment conscients du danger, mais pas découragés. Ils subissent toutes sortes de pressions, mais ne se replient pas sur eux-mêmes. Leur cœur brûle pour Jésus.

Malgré le changement de constitution (en 1992), les lois datant du temps de la persécution restent en vigueur pour les chrétiens. Mais le gouvernement exerce actuellement une politique de retenue. Des menaces sont prononcées, mais non exécutées. Gloire à Dieu !

Ce qui nous unit : des expériences…

Durant nos visites dans diverses églises, nous avons ressenti partout une forte sympathie et un lien spirituel. On nous a demandé à maintes reprises de raconter nos persécutions passées en URSS. Il ne fallait pas citer des lieux ou des personnes, car les murs avaient des oreilles. Nous avons vu des larmes, surtout dans les yeux des personnes âgées ; elles savaient de quoi nous parlions. Dans une église, un frère s’est levé et s’est écrié : « Gloire à Dieu ! Car enfin des frères qui nous comprennent vraiment sont venus vers nous ! »

… et des buts

Dans nos conversations avec les frères, nous avons ressenti une conscience aiguë de l’urgence du moment. Le pays s’attend à de profonds bouleversements et personne n’ose prédire quel sera le sort des chrétiens à l’avenir. Une chose est claire : la situation actuelle ne durera pas longtemps.

Mais nous devons utiliser les possibilités présentes pour atteindre le maximum de personnes avec l’Évangile. À la question de savoir comment nous pourrions le mieux aider les églises de Cuba, les frères ont toujours répondu : « Vous nous aidez en priant pour nous et en prenant part à notre vie, avec ses joies et ses peines. »

C’est pourquoi nous voulons accom­pagner les églises de Cuba en ce temps de défis, en :

-  priant pour elles ;

-  les soutenant matériellement par l’envoi de Bibles, ainsi que du matériel pédagogique et des cours ;

-  les aidant pour des camps de jeunes et des colonies de vacances ;

-  leur donnant les moyens d’édifier des lieux de culte dans les arrière-cours.

Déjà avant notre voyage à Cuba, un camp de jeunes avait été planifié. Comme l’argent manquait, nous avons pu les aider. 250 jeunes, dont 160 de familles non converties, y ont participé. À la fin du camp, 107 d’entre eux se sont repentis de leur vie passée et se sont décidés à suivre Jésus. Quelle bénédiction ! Nous pouvons être reconnaissants pour cela et prier pour les prochains projets missionnaires sur cette île.

Que la louange, l’honneur et la reconnaissance reviennent à notre Seigneur et Sauveur !

Walter Penner, Johann Voth