donnez-leur vous-mêmes à manger

Mission en Artique 1/2

Le tout-terrain “Kamaz” en mission en Artique.
Pavel S. de Chita

(Ndlr : voir aussi les bulletins n°134 : “Yakoutie, la grâce de Dieu porte ses fruits”, et 139 : “Mission en Yakoutie”)

« La paix soit avec vous tous, chers frères et sœurs, et collaborateurs dans la moisson de Dieu, vous tous qui priez pour la diffusion de l’Évangile dans les rudes régions du Nord et qui soutenez notre travail là-bas !
Nous remercions Dieu de nous avoir donné une nouvelle occasion d’apporter l’Évangile aux peuples du Nord. Dieu nous a ouvert la route jusqu'aux rives du fleuve Kolyma dans le Grand Nord et jusqu'à l’Océan Arctique. Nous avons beaucoup prié pour cette action, qui nous a donné bien des soucis et a demandé beaucoup de préparatifs, pour lesquels nous avons été secondés par des églises de la Bouriatie, comme aussi des villes de Tchita et de Yakoutsk, mais également par plusieurs œuvres missionnaires, ainsi que par des chrétiens engagés personnellement dans la diffusion de l’Évangile.
À vous tous nous devons un sincère merci. Nous exprimons notre reconnaissance particulière à la mission
FriedensBote (Messager de la Paix) dont le financement a rendu possible cette mission. La précédente mission dans le Grand Nord avait eu lieu début 2018.
Nous croyons que ce service en commun avec vous tous sera une bénédiction pour bien des personnes dans le nord de la Yakoutie. Nous savons aussi que devant Dieu ce travail n’est pas vain ("Ainsi, mes frères bien–aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur." 1Cor 15.58).
Dès à présent, c’est devenu une vraie bénédiction pour notre équipe et pour nos églises. »
Pavel S.

Importants préparatifs au voyage

L’action a commencé le 4 février 2019 sur la rive du lac Baïkal, dans la localité d’Oust-Bargouzine (Bouriatie). Là, pendant deux mois, les trois frères Sergueï, Alexander et Pavel ont préparé le véhicule tout-terrain “Kamaz” (voir photo ci-dessus).

Les tout-terrain “Kamaz” et Toyota
Inokenti - l'un des premiers chrétiens yakoutes, accompagnateur pour cette mission.

Là aussi, ont été conditionnés 150 paquets de vivres destinés à des familles nombreuses et socialement fragiles. Sur la route de Yakoutsk, à Oulan-Oudé, la capitale de la république de Bouriatie, le frère Yevguény s’est encore joint à eux. À Tchita, Michaïl et moi, Pavel, nous les avons rejoints avec un tout-terrain Toyota.

Là, nous avons chargé 4000 paquets de publications chrétiennes conditionnés un mois auparavant. Chaque paquet comprenait un Nouveau Testament, un calendrier “Vivre” de la mission MSOE, la brochure Trop bon pour aller au ciel, le traité Pas seulement du pain, plus un livre chrétien.

À notre arrivée à Yakoutsk, le compteur indiquait que nous avions déjà parcouru 3200 km. À Yakoutsk nous attendaient Valery de Novomoskovsk (Russie) et Andreï de FriedensBote. Nous avons également chargé des Nouveaux Testaments et des Bibles pour enfants en yakoute et, le 7 février, a commencé le vrai voyage vers le Nord en compagnie des frères Saïd (pasteur yakoute) et Inokenti, (l’un des premiers chrétiens yakoutes).

La Yakoutie, la porte de l'Arctique.

Dieu intervient à point nommé

Nous sommes d’abord arrivés dans l’Oulous (arrondissement de Momsk). Il faisait très froid : la température n’est pas montée au-dessus de -40°. Un matin, le thermomètre est même descendu jusqu’à -56° le matin. Mais comme nous nous attendions à de telles températures, ce froid n’a pas été un obstacle.

Mais ce qui allait devenir un véritable obstacle, c’est la surglace qui nous attendait au-delà du village de Tebelyach. La « surglace » désigne des dépôts de glace par couches superposées, constitués par le gel d’écoulements successifs d’eau sur les fleuves. Cela se produit constamment dans le Nord : le froid intense brise la glace, de l’eau vient à la surface et y gèle.

On nous a signalé que peu avant, à un tel endroit qui n’est parfois pas visible sous la neige, la glace avait cédé sous un camion. Quand vous ne savez pas ce qui vous attend, il est évidemment difficile de continuer la route malgré ce danger qui menace.

En repartant le chauffeur d’un camion nous a demandé : « Et comment vous allez faire pour passer ? Est-ce seulement possible ? » Nous lui avons alors expliqué : « Nous prions Dieu de nous permettre de franchir les passages difficiles. » Puis, nous avons proposé à cet homme de prier aussi pour lui. Il s’est montré très heureux que quelqu’un soit prêt à prier pour lui.

Un camion coincé dans la glace - nous aurions pu être à sa place.

Pendant que nous évangélisions à Tebeljach, le service de la voirie locale avait envoyé des véhicules spéciaux pour aménager un contournement autour de l’endroit dangereux.

Le lendemain nous avons pu franchir sans problème l’endroit où le camion était enfoncé dans la glace. Deux jours plus tard, nous avons appris que la glace autour du camion sinistré a été fondue, non sans mal, et que le véhicule a pu être dégagé. Cette situation nous a montré que, grâce au camion immobilisé, Dieu a conduit le service de la voirie à intervenir et à dégager la route, nous donnant ainsi le moyen de passer ! Combien il nous aurait été facile de nous enfoncer dans la glace au même endroit ! Mais notre Père céleste ne l’a pas permis.

Les frères yakoutes Said et Inokentij, nous ont appris des cantiques yakoutes.

La grandeur de Dieu se manifeste dans les petites choses...

À Chonuu un délinquant bien connu dans la région, et craint par la population, est venu nous voir au lieu de culte et nous a dit : « Je vous interdis de continuer à répandre l’Évangile. Et si vous n’arrêtez pas, je vais faire le nécessaire pour que vous ayez de gros ennuis ! »

Pour cet après-midi-là nous avions convenu une rencontre avec le responsable de l’administration locale. Nous l’avons informé de l’incident avec le délinquant et il nous a déclaré : « Ici c’est moi qui autorise ou interdis les choses et non un délinquant ! » Sur ce, nous n’avons plus eu de difficulté. Dans trois villages de cette circonscription nous avons eu des rencontres avec des chrétiens qui nous ont accueillis très aimablement. Au village de Kouloun-Elbyout on nous a permis de rassembler la population à la salle polyvalente. Quand les gens furent réunis, nous leur avons parlé de l’amour de Dieu et chanté des cantiques en russe et en yakoute.

Avec les chrétiens de Chonuu
On accueille volontiers la littérature chrétienne

Pendant que, peu avant, nous ayons distribué des imprimés et invité les habitants à la réunion, un frère yakoute a perdu son portable.
Nous avons bien essayé de le faire sonner pour le localiser, mais il n’y avait pas de réseau.
Nous avons alors présenté ce problème à notre Seigneur Jésus en présence de la directrice de la salle polyvalente.
Lorsque plus tard elle s’est rendue à la salle à l’heure fixée, elle a trébuché et tapé du pied dans la neige.

À la surprise générale cela a fait surgir, hors du paquet de neige, le téléphone perdu.

Nous nous disons parfois : « Dieu s’inquièterait-il vraiment d’un téléphone perdu ? » Mais pour Dieu il n’y a pas de petits détails. Il prend soin de nous et nous aide, quand nous nous attendons à son secours.

Partout on voit les restes en décomposition de l'ancien régime communiste.

Se revoir trois ans plus tard

Après l’arrondissement de Momsk nous avons poursuivi la route au Nord-est vers celui de Verchnekolymsk, sur le cours supérieur du fleuve Kolyma. Là, la température moyenne annuelle se situe à -11,7°. Par endroits le sol est gelé en permanence à plus de 1000 m de profondeur[1]. La plupart des localités situées le long du fleuve ont été fondées avant la guerre, sous Staline, comme camps de déportés. Un très grand nombre d’innocents, aussi bien des chrétiens que des prisonniers politiques, sont morts ici dans les camps de travail du Goulag ou y ont passé de longues années de leur vie dans de grandes souffrances[2].

Aussi avons-nous remercié Dieu d’avoir la possibilité d’apporter l’Évangile dans ce rude pays au sol gorgé de sang humain. Pour franchir ces 600 km il nous a presque fallu 48 heures.

Plus d’une fois, la glace s’est brisée sous nos véhicules.

Au cours de quelques 24 heures nous n’avons pas rencontré une seule voiture. Sur ce trajet nous avons dû franchir une nouvelle section de surglace. La glace a certes craqué plusieurs fois sous nos roues, mais nous n’y sommes pas restés bloqués, ce dont nous remercions de tout cœur notre Seigneur Jésus.

Dans ces baraquements, bâtiments en bois peu isolés le long de la Kolyma, le froid conserve la nourriture à l’extérieur. Si vous n'avez pas de réfrigérateur, la nourriture dans un sac à -50 °C pend par la fenêtre.

Dans la localité de Syryanka, qui a actuellement moins de 3000 habitants, plusieurs chrétiens nous attendaient déjà.

Nous avions fait leur connaissance il y a trois ans et, ce jour-là, nous avons pu vraiment nous réjouir de ces retrouvailles longtemps attendues.

Nous avons visité chaque maison et chaque appartement de la localité en y distribuant des paquets de publications.

Nous avions aussi 18 adresses de familles particulièrement nécessiteuses auxquelles nous avons apporté des paquets de vivres. Comme il n’y a pratiquement plus de travail, la population y a chuté de presque 60 %. Notre cadeau inattendu a rempli les gens de reconnaissance.

Dieu nous a donné là de nombreuses bonnes rencontres et de nouveaux contacts.

Les colis alimentaires du projet "Cœur à Cœur" témoignent de la charité chrétienne.

Rencontres préparées par Dieu

La nuit tombant, il ne nous restait plus qu’un paquet de publications à placer. Nous avons donc décidé de ne plus entrer dans un immeuble, mais d’offrir ce paquet à quelqu’un dans la rue. C’est alors qu’une jeune femme est sortie d’une épicerie et nous lui avons proposé le paquet. Elle l’a accepté avec plaisir et allait repartir, quand nous lui avons dit en guise d’adieu : « Dieu t’aime ! » Alors elle s’est arrêtée et il s’en suivit une longue conversation.

Il y a trois ans, Valentina, cette jeune femme, est venue de Biélorussie. Elle y fréquentait plusieurs églises. Elle nous a expliqué qu’à Syryanka aussi elle avait cherché une église, mais n’en avait pas trouvé. Nous lui avons alors communiqué l’adresse des quelques chrétiens qui se réunissent dans un appartement privé et espérons vivement qu’elle trouvera tôt ou tard le moyen d’y fréquenter les cultes.

Le lendemain, nous avons rencontré Boris. Autrefois des chrétiens se rencontraient dans la maison de ses parents. En 1937, son grand-père avait été arrêté et envoyé purger sa peine dans le Grand Nord. Il a ainsi passé 15 ans à Siryanka, alors qu’il n’était ni prédicateur ni pasteur. Son fils, l’homme que nous avons rencontré, a pu nous relater bien des choses de cette époque, mais lui-même ne veut malheureusement pas suivre le Seigneur Jésus. Nous avons remercié Dieu de nous avoir donné l’occasion d’échanger avec lui et nous prions pour qu’il trouve la paix du cœur. Il a déjà un certain âge et souffre d’un cancer en phase terminale. Nous croyons vraiment que cette rencontre n’était pas le fait du hasard.

Par manque d’emplois beaucoup d’appartements sont vides

Tout va bien… tant qu’il n’est pas question de péché

Les jours suivants, nous nous sommes séparés en deux groupes pour visiter deux villages aux alentours. À Nélemnoyé, où habitent des membres de l’ethnie quasi éteinte des Yakouguirs, nous avons célébré un culte avec la population à la salle polyvalente.

À Ougolnoyé, essentiellement peuplé de Russes, on nous a poliment opposé un refus. Il n’y a là que des maisons à cinq étages dont une partie est inhabitée. Dans d’autres immeubles seuls un ou deux appartements par étage sont encore occupés. Toute cette localité donne une impression d’abandon : des quelques 1400 habitants de naguère il n’en reste même plus 250.

Cependant, là encore il y a des gens qui aiment beaucoup leur village et qui se considèrent comme les gens les plus heureux. Parmi eux, nous avons rencontré deux femmes dans une bibliothèque de prêt qui sert aussi de musée. Elles nous ont accueillis avec une grande joie, nous ont montré les objets exposés et offert le thé. Elles plaisantaient, faisant tout leur possible pour nous convaincre qu’on vit bien mieux à Ougolnoyé que n’importe où ailleurs sur terre. Quand nous leur avons dit que nous sommes malgré tout pécheurs et avons besoin d’un Sauveur, l’une des deux a subitement été comme transformée. Elle a aussitôt changé de ton, nous reprochant d’avoir « une philosophie de notre propre cru », nous faisant comprendre que l’entretien était terminé et que nous devions quitter les lieux.

Même une trouble-fête n’empêche pas Dieu de bénir

Pour atteindre certains villages, nous sommes partis de nuit, afin d’être sur place dès le matin. Nous avions ainsi plus de temps pour visiter chaque maison, distribuer les paquets de vivres et, le soir, conduire des rencontres avec la population.

À Ousoun-Kuyol nous avons été accueillis par une vielle dame yakoute qui avait une croix orthodoxe à la main. Elle a dressé cette croix entre elle et nous et nous a demandé, « au nom du Christ » de bien vouloir quitter le village. Elle nous a dit : « S’il vous plaît, n’offrez à personne des écrits chrétiens, sinon plus personne ne viendra chez moi acheter des publications orthodoxes et Dieu se retrouvera sans offrandes. »

L’administration municipale nous a néanmoins accordé l’autorisation de tenir un rassemblement dans la salle polyvalente. Alors la femme a essayé de téléphoner à tous les  villageois, pour les convaincre de ne pas venir à la salle. Mais les gens ont tout de même accepté notre invitation et sont venus. Au cours de la réunion cette femme a soudain fait irruption et a tenté de chasser les gens. Mais personne n’a bougé. Tous ont pris plaisir à notre programme et, à la fin, personne n’a voulu rentrer. Au contraire, ils nous ont submergés de questions. Dans de telles rencontres nous parlons toujours du problème du péché et du salut proposé par le Christ. Les chrétiens yakoutes se sont adressés à ces gens dans leur langue maternelle, leur ont raconté comment ils ont trouvé Dieu et ensemble nous avons chanté des cantiques.

(à suivre)             


Pavel S., de Tchita