Vie quotidienne en Ouzbékistan et les “traîtres de la foi”

Les craintes des Ouzbeks
« Qu’arrivera-t-il si les autres s’en rendent compte ? Que diront la famille et les voisins ? Plein de bruits vont courir ! Tout le monde va parler de nous ! On va nous chasser de notre quartier et de notre environnement ! Et alors aurons-nous encore quelqu’un à nos enterrements, à nos mariages et à nos autres fêtes de famille ? Personne ne voudra nous fréquenter et tout le monde va nous montrer du doigt en disant : « Vous avez vu, voilà les traîtres de la foi ! »
Telles sont les craintes que Satan sème aujourd'hui dans tous les cœurs, en particulier chez les Ouzbeks. Pourquoi a-t-il si beau jeu ? Beaucoup ont peur des autres ; eux-mêmes n’ont pas de convictions personnelles et se mettent à la remorque des autres. Ils vont là où le vent les pousse.
Notre peuple honore les “aksakale” (littéralement “les barbes blanches”) : eux sont sages, eux ont une grande expérience de la vie ; aussi accepte-t-on leurs verdicts sans les contester. Nul ne s’inquiète de savoir si leurs décisions sont justes ou non.

Vaccinés contre la vérité ?
De nos jours, les gens sont vaccinés contre la vérité. Comment cela se fait-il ? C’est Satan qui utilise abondamment les médias pour fermer les cœurs à l’Évangile. Et parallèlement la peur augmente.
Les programmes télévisés sont un bon exemple. On y affirme carrément que les chrétiens sont une secte et représentent un danger pour les enfants. De telles campagnes sont menées jusque dans les écoles, les universités et ailleurs encore. En Ouzbékistan les gens sont avides de savoir : ils regardent, ils écoutent, ils lisent. Et plus on leur fournit de ces informations fausses, plus ils se ferment. De peur de s’égarer, ils évitent tout contact avec les chrétiens, ce qui complique la tâche de les atteindre avec la Bonne Nouvelle.
Notre famille
Je m’appelle Alicher (pseudonyme, pour raisons de sécurité) et je suis l’aîné de ma famille. Avant notre déménagement dans la ville de N., j’habitais dans une petite localité avec mes parents, mes deux frères et ma sœur. Lorsque nous nous sommes convertis, mon père n’a pas marqué d’opposition.
Tout le village et toute notre parenté savaient que nous étions devenus chrétiens, mais ils n’ont pas osé nous faire d’ennuis. Ils tenaient mon père en haute estime parce qu’il avait un grand cœur pour tous et s’est toujours engagé pour nous. Quand nous parlions de notre foi, il se contentait de répondre : « Moi, je ne crois à rien du tout ! » C’est malheureusement dans ces dispositions qu’il est décédé en 2011. Mais, après sa mort tout a changé.

« Pour nous vous n’existez plus ! »
Un matin de février 2012, très tôt, nous avons eu la visite inattendue de notre oncle, le frère aîné de notre mère. Cela nous a fait plaisir, car il a toujours été très aimable avec nous. Mais au lieu de parler, comme d’habitude, de la santé et des soucis du quotidien, il a tout de suite abordé la question de notre foi et nous a demandé : « Êtes-vous prêts à renier votre nouvelle foi ? » Ma mère lui répondit : « Jamais nous ne renierons Jésus ! »
L’oncle s’emporta : « Ou bien vous rejetez le christianisme, ou bien vous n’existez plus pour nous comme parents ! » Il a rassemblé toute la parenté et ils nous ont publiquement rejetés du cercle de la famille. Ils ne nous saluent plus, ne nous adressent plus la parole, ne nous rendent plus visite et nous interdisent d’aller les voir.
Quel choc ! Du vivant de mon père, ils auraient agi bien autrement. Nous ne les reconnaissions plus, ils se comportaient comme s’ils ne nous connaissaient plus.
Dénigrement public
Dans notre quartier il y avait une mosquée où les anciens se retrouvaient pour discuter de l’actualité. Et bien sûr, désormais leur sujet favori fut “les traîtres de la foi”. « Trahir l’islam, c’est trahir ses pères », disaient-ils, ce qui attisait encore plus la haine.
On ne cessait d’insulter notre parenté, qu’étaient « les proches de cette vermine d’incroyants ». Cela, mon oncle ne voulait plus le supporter : il se mit alors à exciter toutes les familles du quartier contre nous et contre d’autres chrétiens.
Pour convaincre nos voisins et amis de nous éviter, il leur dit : « Si vous continuez à fréquenter ces “traîtres”, personne ne viendra à votre enterrement. On ne vous donnera même pas de place au cimetière et on vous enfouira n’importe où, comme des chiens. »
Cela fit son effet. Ma mère était enseignante et tout le monde savait qu’elle croyait en Jésus. Après cette campagne de dénigrement, les parents sont venus par groupes retirer leurs enfants de cette école pour les faire inscrire ailleurs. Ils ne voulaient pas que leurs enfants soient enseignés par une chrétienne. Puis, ma parenté a guetté mon frère et l’a gravement battu.
1300 € d’amende pour des Nouveaux Testaments
Quelques habitants du quartier ont rédigé une plainte écrite contre nous et contre d’autres chrétiens, ce qui nous valut la visite de la police secrète. Comme ils ont trouvé des publications chrétiennes et des Nouveaux Testaments en langue ouzbek, ils nous ont infligé une amende de 4 000 000 sums (env. 1300 €), une somme que nous n’avons pas payée, puisque nous n’avions commis aucun délit. Mais les huissiers sont venus et ont saisi nos meubles et nos ustensiles ménagers. Quand ils eurent fait le total de la valeur de ces objets, ils constatèrent que cela ne suffisait pas. Alors ils ne se sont pas gênés pour saisir la moitié du maigre salaire de notre mère, jusqu’à ce que tout fût réglé.
Là-dessus tout le quartier s’est moqué de nous et nous sommes devenus la fable de toute la localité. Personne ne voulait avoir affaire à nous, tous craignaient que la honte ne rejaillisse sur eux.
Pas de repos, même dans la mort !
En avril 2014, un chrétien ouzbek de notre quartier est décédé. Le mollah (prêtre musulman) lui a refusé une tombe au cimetière ouzbek. Mais Dieu a conduit les consciences des autorités municipales qui leur ont accordé une place au cimetière russe. Par exception ! En temps normal, en effet, étant Ouzbek un défunt ne pouvait être inhumé dans un cimetière russe. Personne de notre quartier n’est venu à cet enterrement, mais tous les chrétiens ouzbeks y ont assisté, reconnaissants que personne ne vienne troubler ces funérailles.
Quand notre oncle découvrit que nous avions participé à la cérémonie, il entra dans une colère noire : « Quittez notre localité ! Jusqu’à quand allez-vous continuer à nous couvrir de honte ? Que plus personne ne se souvienne de vous ! » Il demanda à parler à notre mère, mais nous ne l’avons pas laissé entrer. Trois jours de suite il est revenu, tentant d’entrer, mais nous ne lui avons pas ouvert.
« Tu as le droit de prononcer la sentence ! »
Le 15 avril 2014, nous étions tous partis au travail, à part notre mère, ma sœur et mon épouse. C’est alors que sont arrivés deux frères de ma mère, disant qu’ils regrettaient la manière dont ils nous avaient traités et qu’ils aimeraient réparer ces torts. Mais quand ma mère leur ouvrit la porte, ils se saisirent d’elle et de ma sœur et les battirent au point qu’il fallut les hospitaliser.
Les médecins signalèrent le fait à la police et il y eut une séance au tribunal. Là, le juge demanda à ma mère : « Quelle punition vais-je infliger à tes frères ? Tu as le droit de prononcer la sentence ! »
Qu’allait pouvoir répondre ma mère ? Jésus lui donna la force de pardonner et elle dit : « Nous aimerions simplement qu’on nous laisse tranquilles. Relâchez-les ! » Le juge resta bouche bée. Les deux frères reçurent un avertissement et purent rentrer chez eux.
L’amour est plus fort que la haine
Nous sommes reconnaissants à Dieu qu’il ait aidé ma mère à témoigner à sa parenté de l’amour plutôt que de la haine. Ce même jour nous avons quitté le village. Naturellement ma mère regrette beaucoup ces lieux où elle a vécu tant d’années. Elle regrette aussi sa famille et ses amis. Ce déménagement lui a fait perdre son emploi. Mais désormais on ne la persécute plus. Je demande au Seigneur de me donner, à moi et à mes frères et sœur une foi aussi forte qu’à ma mère, pour que nous aussi, nous puissions bénir ceux qui nous maudissent.
Nous remercions tous les frères et sœurs pour leur important soutien dans la prière. Veuillez continuer à prier pour nous afin que nous puissions apporter à notre peuple le message du salut en Jésus.
Un chrétien ouzbek
(dont nous taisons le nom)