donnez-leur vous-mêmes à manger

Natacha Protopopov, son témoignage

Jésus, le seul espoir pour la Yakoutie

Les témoignages et les récits de nos missionnaires yakoutes Saïd Protopopov et de son épouse Natacha sont très émouvants. De nombreux aspects de leur enfance et de leur adolescence se ressemblent : profond paganisme, père violent et alcoolique, société très rude.

Nos lecteurs trouveront le témoignage de Saïd dans le numéro 1/2007. Laissons maintenant la parole à Natacha :

 

J’avais honte de ma mère

Je suis Yakoute. Comme la plupart des gens de mon pays, ma mère avait de mauvaises mœurs dans sa jeunesse. Après m’avoir mise au monde à l’âge de 16 ans, elle me considérait comme une charge. Heureusement que ma grand-mère m’a recueillie et élevée. Je n’ai jamais connu le bonheur d’avoir un père et une mère.

Grand-mère avait un revenu décent. Elle me gâtait par de beaux habits et une bonne nourriture, et elle me tricotait des vêtements chauds. Ma vie était meilleure que celle de la plupart des autres enfants. Mais je n’avais que 13 ans lorsque ma grand-mère mourut d’un cancer. Je restais seule et cela en était fini de ma vie d’insouciance !

Ma mère se souvint alors de moi, mais c’est surtout parce qu’elle voulait occuper le logement de sa mère. À l’époque, elle était remariée pour la troisième fois. D’un seul coup, j’ai retrouvé deux parents. La mauvaise surprise était que mon beau-père était à la fois un alcoolique invétéré et un criminel. Il avait déjà passé douze années en prison pour divers délits.

Bientôt, il fut de nouveau incarcéré. Cela a été un rude coup pour ma mère qui tomba à son tour dans l’alcoolisme. Sans travail ni revenus, elle dilapidait ses biens dans la boisson. Elle ne s’occupait pas de moi, me laissant souvent affamée. À plusieurs reprises, une parente, elle-même pauvre, nous a secourues avec quelques roubles.

Mes vieux habits étaient usés, mais nous n’avions pas d’argent pour les remplacer. Au retour de l’été, j’ai ressorti les chaussures de sport que ma grand-mère m’avait achetées. Elles étaient encore en bon état, mais bien trop petites ! J’ai dû m’en séparer en pleurant. En fouillant une nouvelle fois dans le débarras, j’y ai trouvé les vieilles bottes d’hiver de ma grand-mère. J’en ai coupé la tige et cousu un ourlet.

Grâce à Dieu, dix-huit mois plus tard, un groupe chrétien s’est présenté à la radio locale. Donnant leur adresse, ils invitèrent les auditeurs à leur rendre visite. Poussée par la misère, ma mère s’est décidée à s’y rendre. D’autres visites s’en sont suivies. Ma mère devenait-elle folle ? Était-ce du delirium tremens ?

Mais bientôt j’ai constaté qu’elle ne buvait plus. Subitement aussi, elle s’est arrêtée de fumer, vice qu’elle avait de longue date. Le plus étonnant était que son caractère changeait. Auparavant, elle était agressive et nerveuse, maintenant elle devenait équilibrée et paisible. Elle me demandait même comment ça allait à l’école. Souvent, elle s’enfermait, chantait des cantiques et priait. Malheureusement, à l’époque, j’étais encore très aigrie contre elle (aujourd’hui, j’ai honte de ce mauvais comportement).

En même temps, je ne pouvais pas chasser la joie provoquée par ces changements. Parfois, cela se passait très mal pour moi à l’école. Alors j’ai pensé : « Si ce Dieu a pu changer ma mère, mes propres problèmes ne sont pas trop grands pour Lui. » Et j’ai demandé à ma mère de prier pour moi avant que j’aille à l’école. Cela a été efficace ! J’ai commencé à lire secrètement la Bible, et j’ai essayé de chanter les cantiques de son livre de chants quand elle n’était pas à la maison.

Petit à petit, Dieu a changé mon cœur. Bientôt, nous sommes allées ensemble au culte. À 18 ans, je me suis convertie à Jésus. Aujourd’hui, je comprends que les difficultés de ma vie m’aient conduit à Dieu.

Après mes études, Dieu a permis de façon merveilleuse que je puisse enseigner les mathématiques et l’informatique à l’école.

Chez nous, les enfants se sentent aimés

Il y a quatre ans, Dieu m’a mis à cœur de travailler parmi les enfants et je le fais avec joie. Au début, je n’ai pas eu besoin de faire de la publicité. Je l’ai simplement dit à l’église, et nous avons prié ensemble pour cela. Le dimanche suivant, 20 enfants entre 5 et 15 ans sont déjà venus. Je me suis étonnée que les différences d’âge ne créent pas de problèmes. Ils revenaient toujours. Cela s’explique par le fait qu’ils étaient tous issus de familles brisées.

Souvent, ils venaient mal habillés, sales, affamés et ayant mal dormi, parce que leurs parents buvaient et criaient toute la nuit. Dans de telles familles, les enfants sont témoins de choses horribles. Récemment une fillette m’a raconté que son frère aîné et son père ont bu ensemble, puis que le frère a tué le père ! Par la suite, la mère de la fillette est aussi venue à notre réunion.

Les enfants des familles brisées sont tiraillés de part et d’autre, doivent aller à l’orphelinat ou chez des parents, puis revenir plus tard. Chez nous, ils se sentent aimés. Je sais personnellement ce que c’est que d’avoir un père emprisonné et une mère alcoolique. Aujourd’hui, je suis très sensible à ce genre de situation.

Natacha Protopopov