Voyage dans le Grand Nord de la Sibérie occidentale (suite)
Dieu a exaucé les prières de beaucoup d’amis de la Mission. Deux de nos contacts, les responsables d’églises Alexander Dribnokhod (Kharkov/Ukraine) et Andreï Oselsky (Kichinev/Moldavie) sont de nouveau chez eux. Leur voyage missionnaire dangereux et épuisant, que la Mission FriedensBote a organisé et soutenu par des prières et des moyens financiers, a été très béni.
Nous laissons la parole aux deux frères :
Le sang des martyrs exilés...
Notre voyage à travers des régions d’accès difficile s’est déroulé du 1er mars au 15 avril 2013. Au total, nous avons parcouru plus de 10 000 km. Les deux tiers de cette distance ont été effectués sur ce qu’on appelle les “chemins d’hiver” : des fleuves gelés, des lacs et des marécages, et aussi à travers la taïga – la forêt primitive sibérienne.
Notre désir d’annoncer l’Évangile dans ces régions du nord était motivé d’une façon particulière par les événements récents. Cette contrée était pour beaucoup de nos frères et sœurs la “porte du pénitencier sibérien”. C’est là qu’ils étaient extraits des péniches et chassés vers leur lieu de bannissement, à des milliers de kilomètres parcourus à pied et enchaînés des mains et des pieds. Ils sont morts de faim, de froid et de maladies, ont été déchirés par les bêtes sauvages et par les chiens bergers allemands des surveillants. Quelques-uns ont été précipités, les mains liées, dans des fleuves aux berges escarpées. Dans la ville de Chanty-Mansysk se trouve une fosse commune contenant 2000 croyants fusillés.
... est la semence de l’Église.
Nous sommes sûrs que nos ancêtres ont prié pour un réveil spirituel. Le Seigneur a exaucé leurs prières. Au début des années 90, beaucoup de cercles bibliques et d’églises ont été formés suite au travail de divers prédicateurs itinérants. Beaucoup ont un souvenir reconnaissant des évangélisations bénies du prédicateur Josef Bondarenko, un ancien prisonnier pour sa foi.
Le manque de suivi
Par la suite, cette contrée éloignée a été très peu visitée, de nombreux cercles bibliques n’ont bénéficié d’aucun suivi. Les évangélistes expérimentés et bibliquement fidèles y étaient rares. La plupart des croyants étaient livrés à eux-mêmes. Il n’est pas étonnant qu’ils soient devenus une proie facile pour divers faux docteurs.
Nous avons rendu visite à des églises, à des groupes de maison et à des cercles bibliques dans 36 lieux différents. En règle générale, ces groupes ne sont pas très grands, mais ils sont très éloignés les uns des autres. Un chrétien a parcouru 700 km, juste pour prier avec nous !
Nos frères et sœurs nous ont accueillis avec beaucoup de joie et nous ont souvent offert leurs derniers biens. Même après trois à quatre heures de communion fraternelle, ils ne voulaient pas se séparer. Ils nous ont submergés d’innombrables questions sur les principes bibliques de la vie d’église et de la vie de famille, sur divers passages bibliques, surtout sur l’Apocalypse. À la fin, ces frères et sœurs exprimaient toujours le même souhait : « Est-ce que la Mission FriedensBote vous enverra de nouveau vers nous l’année prochaine ? »
Nous avons beaucoup prêché et chanté, rendu visite à des handicapés, prié pour des enfants et tenu des séminaires sur différents sujets. Le thème de notre convention à Pionerskoye était : “Le combat de l’esprit contre la chair”. Il y avait aussi beaucoup de travail de cure d’âme avec des personnes liées par l’occultisme et des personnes en recherche. Nous avons aussi dû arbitrer des querelles. Dieu a accordé des conversions et des réconciliations. Neuf frères se sont relayés pour nous transporter dans divers véhicules. Ainsi nous avons également pu avoir des échanges spirituels durant les voyages.
Les difficultés du Grand Nord
Elles sont surtout dues à la dangerosité des voies de communication et l’absence de chemins. Normalement, l’épaisseur de la glace sur les fleuves sibériens est d’environ 1,7 m. Pour rendre la glace plus sûre pour les gros camions, on fore des trous le long de la “chaussée”. L’eau qui en coule gèle immédiatement. Ainsi la glace atteint trois mètres d’épaisseur à certains endroits. Malgré cela, des camions et des voitures s’enfoncent chaque année avec leur chargement et leur conducteur. La recherche des sinistrés est souvent impossible.
À cause du manque de routes et des grandes distances, de nombreux endroits ne peuvent être atteints qu’en hélicoptère. C’est ainsi que sont transportés les aliments, non pas en hiver, mais en été.
Il n’y a pas de réseau d’alimentation en eau dans les villages. On boit l’eau du fleuve. Il y a trois ans, beaucoup de poissons sont morts dans le fleuve Ob, car des produits chimiques toxiques y avaient été “évacués”. Suite à ce problème, les réserves d’eau et de nourriture ont été restreintes. Ainsi les gens ont le sentiment que les temps apocalyptiques sont proches. Dieu soit loué, un frère nous a procuré 100 litres d’eau potable pour tout le voyage. Ainsi nous n’avons pas eu de problèmes d’estomac.
Le plus souvent, il n’y avait pas de toilettes chauffées. Dans l’un des villages, nous n’avons ni mangé ni bu pour éviter de devoir nous rendre aux toilettes. En effet, il faisait -40°C et tous deux nous ne sommes plus très jeunes.
Destins et rencontres
Le Grand Nord est pour certains un lieu de refuge. Un jour, deux anciens officiers de haut rang sont venus assister à notre culte.
L’ex-colonel a servi dans cinq conflits et a été gratifié du titre de “Héros de la Russie”. Son ami, ex-lieutenant-colonel, a aussi fait la guerre. Qu’il soit encore en vie tient du miracle. Aujourd’hui, personne n’a plus besoin d’eux. Ainsi, ils boivent sans arrêt pour oublier le passé, ainsi que le présent.
Les deux hommes ont écouté très attentivement la proclamation de l’Évangile. Le “héros” a chanté nos cantiques, les yeux mouillés par des larmes. Que le Seigneur leur fasse grâce !
Khantys et Mansis
Nous avions particulièrement à cœur de rencontrer des frères et sœurs appartenant aux petits peuples nordiques des Khantys et des Mansis. Leurs occupations principales sont la pêche et la chasse. En général, ils portent des habits colorés. En hiver, leurs vêtements sont en peaux de rennes. Ils estiment beaucoup les missionnaires qui leur ont apporté l’Évangile et qui habitent au milieu d’eux.
Les Khantys (29 280) et les Mansis (11.620) font partie, avec les Nenets, des plus grandes ethnies minoritaires nordiques de la région de Tioumen. Jusqu’au XXe siècle, les Russes désignaient les Khantys sous le terme de “Ostyaks” et les Mansis sous celui de “Vogouls”. Leurs ancêtres sont venus du Sud. Leurs langues font partie des langues finno-ougriennes et s’apparentent au hongrois. Elles se subdivisent en de nombreux dialectes. Cela a rendu difficile l’établissement d’une langue écrite.
Malgré une christianisation formelle par l’Église orthodoxe, au XVIIIe siècle, la religion traditionnelle des Khantys et des Mansis est le culte des esprits protecteurs, celui des ancêtres et le chamanisme. Le culte de l’ours tient aussi une grande place. Toute une série de coutumes y sont liées. L’un des rites religieux les plus anciens parmi les Khantys est “l’enterrement en l’air”. Le corps du défunt est enveloppé, puis attaché à un arbre, pour être remis aux esprits de l’air, de la lumière et des arbres.
Quand des Khantys et des Mansis se convertissent, ils sont libérés des liens sataniques qui se cachent derrière ces différents cultes.
Combat sportif contre un ours
Valéra est un Khanty. Il était fier de ses capacités. En tant que vétérinaire, il connaissait très bien la forêt primitive. C’est pour cela qu’il se vanta d’être plus rapide avec son attelage de rennes qu’un ours furieux tiré de son hibernation.
Quoi qu’il en soit, Valéra avait fini deuxième en course de traîneaux. Bien sûr qu’il était déjà un peu alcoolisé et qu’il avait parié une caisse de bouteilles de vodka.
Ses amis restèrent à bonne distance quand Valéra s’approcha de la caverne de l’ours, en pleine forêt. Il pointa sa carabine à travers la couche de neige, tira et sauta sur son traîneau...
L’instant suivant, un ours énorme traversa l’ouverture enneigée de la caverne et sauta vers l’intrus. Le cri de colère de l’ours paralysa totalement Valéra. Il ne pouvait plus bouger. Mais l’attelage de trois rennes partit et le pari commença.
Un ours peut atteindre une vitesse de 50-70 km/h sur une distance de 200 m. L’écart entre l’ours et l’attelage devint de plus en plus petit. Valéra entendait derrière lui la respiration bruyante de l’animal sauvage qui se rapprochait inexorablement et il s’attendait à une mort certaine. C’est alors que se produisit l’imprévisible : sur la pente de la montagne, les rennes prirent un virage très serré. La force centrifuge projeta le traîneau ainsi que Valéra dans le ravin et y entraîna aussi les rennes. Le traîneau se fracassa 25 m plus bas, et les rennes moururent. Mais Valéra resta accroché à un arbre qui poussait sur la pente. Par l’effet du choc, plusieurs de ses os se brisèrent et il fut gravement blessé. Il fut transporté par hélicoptère à la clinique où on le soigna.
Après sa convalescence, Valéra but encore davantage et perdit tout ce qu’il possédait. Il ne faisait plus que végéter tristement. De façon répétée, à son réveil Valéra voyait un de ses compagnons de bouteille, mort, au fond d’un ravin quelconque et il pensait à chaque fois : « Bientôt ce sera mon tour ». Des années passèrent avant qu’un prédicateur dise à Valéra des mots qu’il n’avait jamais entendus jusque là : « Jésus t’aime ! »
Ce ne fut pas une réhabilitation facile. Mais après quelques rechutes, le Seigneur eut la victoire. Aujourd’hui, Valéra est un homme nouveau. Il travaille dans un centre chrétien de réhabilitation pour alcooliques. Il est la preuve vivante de la merveilleuse puissance de Dieu.
Géographie, histoire
La région de Tioumen se trouve tout juste derrière l’Oural, dans la plaine de la Sibérie occidentale et s’étend du Kazakhstan au sud, jusqu’à l’Océan arctique au nord. La surface totale de cette région atteint 1 435 200 km2, ce qui représente quatre fois celle de l’Allemagne (Ndlr : près de trois fois celle de la France). Jusqu’au XVIe siècle, ce pays était très faiblement peuplé par quelques rares peuples nordiques : les Nenets, les Khantys, les Mansis, les Selkoups, les Évenks et les Tatars sibériens. Ces derniers étaient de meilleurs guerriers que les autres petits peuples et ils les chassèrent.
Le russe ataman-cosaque, Jermak Timofeyevitch (1525-1585), est considéré comme le conquérant de la Sibérie. En 1582, il traversa le fleuve Oural avec ses cosaques, conquit le Khânat de Sibérie et soumit cette région aux tsars russes.
Trois ans plus tard, les Tatars firent sortir Jermak de sa forteresse par une fausse rumeur. Au cours de l’attaque nocturne, à 50 km au sud de l’actuelle ville de Tobolsk, Jermak se noya dans le fleuve Irtych, son lourd équipement l’entraînant par le fond. Ce n’est qu’en 1598 que le Khânat des Tatars fut définitivement vaincu.
Parmi les 3,3 millions d’habitants de la région de Tioumen, on trouve actuellement des ressortissants de plus de 100 nations différentes.
Plans et projets
Pour continuer à propager l’Évangile, les chrétiens ont besoin d’un moteur de canot pour l’été, d’un véhicule à chaînes pour la neige, de filtres à eau et de littérature chrétienne. En plus de cela, ils ont besoin de fonds pour forer des puits (profondeur : 30 à 40 m), pour rénover deux bâtiments d’églises et pour en construire un nouveau (ce ne sont pas de grands bâtiments).
Et, avant tout, nous transmettons le vœu souvent exprimé par nos frères et sœurs à l’égard des amis de la mission : « Priez pour nous ! »