donnez-leur vous-mêmes à manger

Avoir souffert enseigne la compassion

La famille Tarnopolsky d’Usin

Vadim et Nadiejda (Nadia pour les amis) Tarnopolskiy font partie des gens sans histoire. Vadim n’est pas prédicateur, c’est un homme plutôt taciturne. C’est plutôt Nadia qui dirige les choses. Ce qui unit les deux, c’est non seulement leur amour, mais aussi d’une certaine façon la même enfance : les deux ont beaucoup souffert dans leur famille.

Chercher Dieu dans la tempête en mer

Né en 1961, Vadim est entré à 14 ans dans un internat, en même temps que sa sœur cadette. Il se souciait beaucoup pour elle et quand vint le moment de faire son service militaire, un homme expérimenté lui conseilla d’aller dans la marine marchande. Là il pouvait faire son temps de service tout en gagnant de l’argent pour aider sa sœur. Vadim se présenta donc à Saint Petersburg pour être formé comme marin.
Lors de sa première sortie en haute mer le bateau fut pris dans une violente tempête. Il était strictement interdit d’aller sur le pont, mais Vadim était trop curieux. L’idée de pouvoir assister à une vraie tempête depuis le pont fut la plus forte. Alors qu’il s’apprêtait justement à observer les vagues, une puissante lame jeta le bateau sur un côté, Vadim ne put s’accrocher à rien et glissa vers l’eau. « Ca y est ! » se dit-il. Au même instant une autre lame jeta le bateau sur le côté opposé et Vadim fut projeté contre le bordage. Il réussit à rentrer dans l’intérieur du bateau et constata que la vie peut parfois être très dangereuse: il avait besoin de protection.
Revenu à Saint-Pétersbourg, dès qu’il le put, il se rendit dans une église orthodoxe et s’y fit baptiser par un pope. « Voilà », se dit-il, « à présent ma vie est entre les mains de Dieu et je n’ai plus à me faire de souci ».

Une bouteille de vodka cassée et les conséquences pour Nadia

Nadia, née en 1965, grandit chez sa mère et son beau-père, dans une grande pauvreté et le plus souvent sans rien à manger parce que les deux adultes et la sœur aînée de Nadia étaient de gros buveurs.

Alors que Nadia était au collège, elle rentra un jour et aperçut sur la table une bouteille de vodka non entamée. Il n’y avait rien d’autre à manger dans la maison. Prise d’une crise de rage et de désespoir, elle saisit la bouteille, sortit et la fracassa contre un objet dur. Le « précieux » liquide était perdu...
À cause de ce « délit » on ne voulut plus d’elle à la maison et on l’obligea à aller dans un internat. Elle y suivit une formation de vendeuse et on l’envoya travailler dans un village.

Dans l’intervalle Vadim avait achevé son service dans la marine ; il rentra chez lui et prit un emploi de chauffeur. Il devait approvisionner des magasins de villages en produits alimentaires et c’est ainsi qu’il rencontra Nadia. Entre eux se développa une amitié qui déboucha sur le mariage. Les deux allèrent s’établir à Usin, la ville natale de Vadim.

Comment s’est formée une « Église » peu ordinaire

Le couple eut deux fils et la deuxième naissance se révéla très difficile : aussitôt après Nadia dut subir une opération cardiaque. Le 29 mai 1990 Nadia adressa sa première prière à Dieu, lui demandant de préserver sa vie. Le lendemain eut lieu l’opération et celle-ci se déroula bien. Mais en raison de l’état de Nadia les deux durent renoncer à leur désir d’avoir une grande famille.
Puis Nadia se mit à fréquenter l’église orthodoxe. Mais le jour où elle vit le prêtre orthodoxe bénir une bouteille de vodka, elle revit d’un coup son enfance et ses parents ivres. Depuis lors elle cessa d’aller à l’église.

Autrefois Usin était une ville militaire secrète dotée d’un aéroport militaire. Puis avec le changement politique celui-ci perdit son utilité. La ville fut inscrite sur les cartes géographiques et suite au travail de missionnaires en 1993 il s’y constitua une communauté chrétienne qui bâtit une salle de culte. Les rumeurs les plus folles coururent à Usin à propos de cette étrange église sans clocher. Vadim demanda à sa femme d’y aller une fois pour voir par elle-même ce qu’il en était. Lui, l’homme, ne voulait pas se ridiculiser en allant dans cette « secte ».
Nadia reçut un accueil des plus chaleureux et en revint enthousiaste. Depuis lors elle fréquenta régulièrement les cultes et ne tarda pas à se convertir. À la maison Vadim demandait de lui faire un compte-rendu très précis du déroulement du culte et du contenu de la prédication. Et lorsque l’année suivante il vint pour la fête des moissons, il était intérieurement préparé pour se repentir. Lorsque l’ancien de la communauté demanda au couple comment il envisageait son engagement dans l’Église, Vadim lui remit une enveloppe cachetée en le priant de ne l’ouvrit que dix ans plus tard. Lorsqu’on décacheta dernièrement cette lettre, on y trouva consigné le désir d’accueillir des enfants qui ont souffert et de servir ainsi le Seigneur.

Accueillie dans la famille et non fourrée chez les singes !

En 2001 les Tarnopolsky demandèrent aux autorités l’autorisation d’accueillir un orphelin. Ils cherchaient un enfant dont personne ne voulait et une telle définition conduisait avant tout vers un enfant sombre de peau. Cette idée provenait d’un de leurs fils.
Ils trouvèrent Inna dans un catalogue d’orphelins. Elle a grandi dans un orphelinat ; sa mère était une étudiante ukrainienne de 17 ans qui était « tombée amoureuse pour l’éternité » d’un Africain. Mais elle ne voulait pas d’enfant et surtout pas d’un enfant noir. Ses efforts pour se débarrasser de l’enfant connurent d’abord du succès, selon elle. Elle donna secrètement naissance à l’enfant à la maison dans son septième mois de grossesse. Mais les autorités l’apprirent et placèrent la prématurée à l’hôpital, d’où on la mit à l’orphelinat. A 8 ans Inna n’avait atteint que le niveau de développement d’un enfant de 4-5 ans. C’est à peine si quelqu’un jouait avec elle, elle n’avait jamais appris à manier un jouet. Et dans ses papiers on trouvait le diagnostic d’oligophrénie, de retardée mentale.

En 2002 les papiers furent prêts pour l’accueil d’Inna dans la famille et Nadia vint la chercher dans les environs de Kharkov. Les dirigeants de l’internat firent tout leur possible pour convaincre Nadia de prendre plutôt un enfant blanc, mais elle ne se laissa pas détourner et finalement ils durent laisser partir Inna. Et lorsque Nadia et Inna quittèrent l’enceinte, un petit garçon les rattrapa et demanda à Nadia s’il était bien vrai qu’elle conduisait Inna au jardin zoologique pour la mettre avec les singes. C’est ce que l’éducatrice avait expliqué aux enfants.
On avait si peu pris soin d’Inna que Nadia dut d’abord passer une nuit chez une famille de croyants dans le voisinage de l’orphelinat, la nettoyer et lui acheter des vêtements à  peu près corrects.

À ce moment-là Vadim était hospitalisé pour un problème d’oreille : on n’avait pas encore découvert sa tumeur au cerveau, mais elle pesait déjà sur le nerf auditif. Les autorités proposèrent aux Tarnopolsky d’accueillir encore d’autres enfants et de fonder ainsi un centre familial.

Les enfants concernés étaient Slava et Svetlana. Par un pur hasard les Tarnoplosky apprirent l’existence d’autres enfants de la même famille, ils étaient plus jeunes et donc placés dans un autre bâtiment. C’étaient Natacha, Anna et Julia. Les Tarnopolsky purent emmener Natacha et Anna avec leurs frères et sœurs plus âgés, bien que les papiers ne soient pas prêts ; mais ils n’obtinrent Julia qu’après une plainte téléphonique de Nadia auprès du gouvernement à Kiev. D’ailleurs les experts médicaux affirmaient qu’Anna n’avait pas de mémoire et n’en aurait jamais. Selon eux Julia, arrivée à l’orphelinat à 10 mois, n’apprendrait jamais à parler. Le cadre familial était terrible : les parents buvaient et les enfants étaient abandonnés à eux-mêmes. Sous leurs yeux le père ivre fendit la tête de la mère avec une hache et eut 15 ans de prison. Les enfants furent mis à l’orphelinat. À la tête ils présentaient d’ailleurs eux aussi des cicatrices faites avec la hache.
Aujourd'hui Anna a une mémoire normale et Julia parle non seulement l’ukrainien, mais aussi l’espagnol, car on l’a plusieurs fois invitée à passer les mois d’été en Espagne.

La famille s’élargit

Pour la cérémonie d’ouverture du centre familial, un des premiers dans la région de Kiev, l’épouse du président avait annoncé sa venue. On était certain de la présence de la presse. Et pour donner au centre familial encore plus de poids, les autorités ont amené Sacha qui fait partie des Roms et qui vivait en orphelinat. Après les festivités les directeurs de l’orphelinat dirent à Sacha de s’habiller et Nadia leur demanda ce que cela signifiait. « Nous l’avons simplement amenés pour la photo, pour que votre famille ait l’air plus grande. » lui expliquèrent ces gens. Nadia leur répondit : « Demain tous les journaux vont le présenter comme notre fils adoptif. Il va donc rester ici. » - « Sacha, inutile de te rhabiller ! » lui dit-elle. Les autorités ne purent que se regarder bouche bée... Et en 2004 c’est Denis qui vint le dernier s’ajouter à la famille. Il est encore plus noir qu’Inna. À Usin tout le monde est d’accord que sa place, c’est dans la famille Tarnopolsky, puisqu’ils ont déjà une fillette noire. Aujourd'hui quelques uns des enfants sont adultes : Inna a 21 ans, Slava 20 et Sveta 19. Après l’école Inna a appris la coiffure, Sveta a aussi entrepris une formation professionnelle et Slava fait des études. Inna et Natacha se sont déjà fait baptiser. À Tcherkassy où elle fait sa formation, Inna participe activement à la vie de l’Église. Natacha fait partie de la chorale de l’Église d’Usin. Pendant  les colonies de vacances d’été Inna s’est révélée excellente pédagogue et animatrice douée. Mais personne ne se doute de ce que cachent ces succès : Nadia et Vadim ont investi une énergie énorme pour dégager les enfants du diagnostic d’oligophrénie qu’on leur avait tous imposé.

Il y a des années Vadim a été opéré d’une tumeur au cerveau. Le Seigneur a donné sa grâce : l’opération a réussi, mais Vadim est inapte au travail. Il est en revanche capable d’apporter un sérieux coup de main aux enfants pour leurs devoirs. Un des fils est professeur d’anglais, lui aussi aide partout où il le faut. Les enfants ont compris qu’une bonne formation est la seule possibilité pour eux de mener une vie normale.

Des miracles chez les Tarnopolsky

Elle est longue, la liste des miracles qu’ont vécu les Tarnopolsky dans leur vie avec Dieu. En voici juste quelques exemples : Une entreprise était en train de construire une maison pour la famille, le financement étant pris en charge par une société de mission américaine. Or l’argent n’arrivait pas. L’entreprise a protesté, tout en continuant la construction. Voilà la maison terminée, la famille a un toit au-dessus d’elle, mais l’argent manque toujours ...

En 2003 la région de Kiev fut frappée de sécheresse ; beaucoup de gens ont prié pour la pluie. Seuls les Tarnopolsky ont prié pour une récolte, pas pour la pluie. Et chez eux, juste au bord de la route poussa une citrouille si énorme qu’on la prit en photo pour le calendrier de l’arrondissement. La récolte fut suffisante.        

En novembre 2003 le président offrit à la famille un bus russe de la marque « Gazelle ». À cette occasion Vadim remit au président une Bible en ukrainien qui venait juste de paraître. En Ukraine du Sud la sécheresse fit qu’il n’y avait plus de fourrage pour le bétail. Les autorités avaient donné l’ordre de réserver tous les surplus pour le Sud. Même les ouvriers employés dans l’agriculture locale ne pouvaient rien obtenir. Mais quand Vadim demanda du fourrage pour sa vache, le président  lui répondit : « Pour toi il y en a dans tous les cas ! » Et peu après on vit devant la cour un tracteur tirant une remorque chargée de paille. En 2008 les enfants découvrirent un trou dans la maison. Venus vérifier, les parents s’aperçurent que tout un coin de la maison était suspendu dans le vide. Il a dû autrefois y avoir une importante cave dont partait latéralement un couloir. Plusieurs jours durant Nadia s’efforça vainement d’amener les autorités municipales à inspecter ce trou. Elle finit par téléphoner aux services du président d’Ukraine.

Le lendemain matin ce fut soudain toute une colonne de voitures qui arriva, des gens en civil, d’autres en uniforme, avec ou sans vêtements de sécurité, des experts en déminage et des pompiers. Les autorités municipales n’en menaient pas large. Les experts explorèrent l’espace souterrain à la recherche d’explosifs et le déclarèrent libre d’accès. Trois énormes camions déversèrent leur chargement de béton dans le trou jusqu’à ce qu’il fut comblé. Sur le coin en question la maison présente certes une petite fissure, mais elle a tenu bon. Dieu a tenu sa main sur la famille.

Nadia avait fait une formation de vendeuse. Au bord de la route ils dressaient un petit kiosque où ils vendaient des produits alimentaires et des objets d’usage courant, comme des brosses à dents. Mais chez les Tarnopolsky on ne trouve ni tabac, ni boissons alcoolisées. En dépit de toutes les prédictions des spécialistes le kiosque est d’un bon rapport. Nadia ne fait pas de gros bénéfices, mais le kiosque aide au soutien de la famille. Nadia veille à ce qu’il y ait toujours de la marchandise fraîche et sa pesée est toujours large : c’est ce qu’honorent les voisins qui préfèrent venir chez Nadia plutôt que chez les concurrents du voisinage. « C’est de la bénédiction de Dieu que tout dépend » : manifestement ce dicton populaire se vérifie dans la famille Tarnopolsky.