Dix enfants en neuf ans : la famille Schwez
Le 7 mai 2013 cela faisait 10 ans que la famille Schwez avait ouvert son cœur et sa porte à des orphelins.
Ce désir, Irina l’a eu dès ses 14 ans. À l’époque on l’avait envoyée avec sa classe dans un orphelinat aider à nettoyer le terrain. Ensuite les élèves eurent le droit de distribuer des sucreries aux orphelins. Ce qu’elle a vécu là a profondément touché le cœur d’Irina. Rentrée chez elle, elle demanda à sa mère l’autorisation d’inviter quelques uns des enfants à passer la fin de semaine chez eux. La mère émit des réserves : « Tes sentiments peuvent vite changer et plus tard, quand tu feras des études, les enfants t’attendront vainement et seront déçus. »
Irina retint l’observation de sa mère. Mais lorsque le Seigneur appelle quelqu’un à un service, son appel atteint toujours son but. À l’école technique Irina rencontra des orphelins du Daghestan. Elle fut profondément remuée par le sort de ces orphelins. Elle tâcha de les aider comme elle put, leur donna à manger avec l’autorisation de sa mère et leur offrit ses vêtements. Trois ans plus tard elle alla à Kiev pour ses études et les orphelins du Daghestan furent hors de son atteinte.
Une famille qui cherche à grandir
À Kiev Irina a épousé Jakob Schwez et la famille s’est établie dans le village de Ryshanovka. Dieu donna au couple trois enfants : Maksim, Nastia et Macha. Les trois naissances furent compliquées et après le troisième enfant Irina dut se faire à l’idée qu’elle ne pourrait plus en avoir d’autres. C’est à ce moment qu’Irina se remit à envisager l’accueil d’orphelins dans sa famille. Elle raconte : « À cette époque j’ai souvent entendu à la radio des reportages sur le sort d’orphelins. Je ne pouvais retenir mes larmes quand j’entendais avec quelle nostalgie ces enfants désiraient avoir une maman et un papa ».
Jakob, son mari, la soutint dans son envie d’accueillir des orphelins. Mais la parenté et les amis ne montrèrent aucune compréhension. Ils faisaient appel à leur conscience pour insister que c’était leur devoir d’élever en premier lieu leur propres enfants. De plus on ne pouvait pas savoir quelle était l’hérédité génétique de ces enfants étrangers à la famille.
Mais malgré tous ces avertissements le couple Schwez ne se laissa pas détourner de la voie choisie. Ils ont prié et présenté leur projet à leurs propres enfants. Ceux-ci ont unanimement soutenu leurs parents et se sont mis à prier Dieu quotidiennement à ce sujet. Le temps passa et la réponse ne vint pas.
Quelques années s’écoulèrent. Un jour la famille Schwez eut la visite d’un prédicateur de Kiev. Irina demanda à Dieu de donner une réponse à ses prières par l’entremise de ce frère. Au cours de la conversation Irina et Jakob parlèrent de leur désir à leur hôte. Le prédicateur observa un long silence, puis déclara : « Vos enfants vous attendent déjà ! » Lorsque des années plus tard Irina rappela cet épisode à ce frère, celui-ci ne se souvint de rien. Il en conclut : « À ce moment-là Dieu vous a donné sa réponse par mon intermédiaire. »
La réponse de Dieu
Peu de temps après l’occasion se présenta pour Irina et Jakob d’accueillir des enfants. Irina voulut prendre tout de suite cinq orphelins. Jakob freina son zèle, estimant qu’il fallait « commencer petit » et ne prendre d’abord que trois enfants. Il fallut alors régler des formalités et franchir des barrières bureaucratiques. L’orphelinat refusa de donner des enfants et insulta le couple. Mais Dieu envoya à leur secours un fonctionnaire compétent et serviable. En y repensant plus tard, celui-ci a raconté à Irina et à Jakob les soucis qu’il avait alors : « Je savais tout des enfants que vous vouliez prendre. Je savais qu’ils étaient malades, mais les papiers passaient ces maladies sous silence. Je me faisais du souci, me demandant comment vous alliez pouvoir gérer ces problèmes. »
Enfin les obstacles furent levés et le couple put choisir trois enfants ; ce n’était pas une mince affaire. On leur montra d’abord Nadia, un bébé de sept mois. L’enfant était très petite, rousse et absolument pas belle. Mais Nadia souriait à tout le monde. Quand Jakob prit la fillette dans les bras, il eut les larmes aux yeux. Pour Irina il y eut à ce moment-là une certitude : cette fillette est pour nous. Puis on invita Irina et Jakob au cours de musique pour les enfants de deux ans. « À part deux garçons, aucun des enfants n’a fait attention à nous. Micha et Kolia, eux, nous ont regardé et nous ont souri jusqu’aux oreilles. Le signal était clair : ces deux-là étaient pour nous », raconte Irina. Ce 7 mai 2003 nous avons quitté l’orphelinat avec trois enfants. Ce n’est qu’après notre retour à la maison que nous avons pris la mesure de toute la charge de responsabilité et de travail.
Vinrent alors des périodes de tension. Du côté de l’État il n’y eut aucune forme de soutien. Mais la presse et la télévision ne laissaient pas de répit à la famille, jusqu’à ce qu’elle opposa à tous un non poli.
Deux ans s’écoulèrent et la famille s’agrandit encore : le nouveau membre de la famille Schwez fut le petit Sacha de trois mois. Au début ce garçon fut souvent malade et Irina dut passer beaucoup de temps avec lui à l’hôpital. Les gens n’arrêtaient pas de demander : « Aviez-vous vraiment besoin de ça ? » Or en dépit de cette incompréhension des autres la famille continua à grandir : un an après Sacha c’est Jana (6 ans) qui vint s’ajouter et après Jana d’un coup trois enfants de la même famille : Andréï (4 ans), Karina (3 ans) et Julia (2 ans). Ces trois étaient physiquement décharnés : Julia pesait tout juste 7 kg, Karina avait un dérèglement de la coordination des mouvements. Les médecins leur demandèrent sur un ton de reproche pourquoi ils accueillaient des enfants handicapés.
Un travail qui comble
Irina reconnaît que sa tâche n’est pas simple : « Parfois elle est si dure qu’on aurait envie d’abandonner ; on ne sait plus comment s’y prendre, on a le sentiment d’être dans une impasse. Mais le Seigneur sait toujours défaire le nœud ».
Parfois le comportement des enfants laisse à désirer : une fois ils ont fait du feu au milieu de la maison, ils dessinent sur la tapisserie ou l’arrachent, ils cassent des meubles. Un incendie a détruit 300 balles de foin et le bois prévu pour l’hiver. « Mais le positif l’emporte tout de même », continue Irina. « Il y a bien des choses qui réjouissent le cœur et inspirent l’espoir : les enfants aiment aller au culte et à l’école du dimanche ; les plus grands lisent dans la Bible pour enfants et essaient déjà de lire dans la « vraie » Bible ; ils lisent aussi des revues chrétiennes pour enfants et aiment discuter avec nous de sujets bibliques. Ils reconnaissent leur erreurs, même si c’est avec hésitation. Quelques enfants vont à l’école de musique. En famille nous faisons des sorties dans la nature ou au bord de la mer ».
Il y a un an environ les deux (pour l’instant) dernières filles sont venues s’ajouter comme membres de la famille Schwez : Angelina (5 ans) et Sofia (3 ans). Désormais Jakob et Irina élèvent 13 enfants : 3 à eux et 10 en garde.
Même si le travail comporte de gros défis, le couple n’imagine plus une vie sans tous ces enfants. « Vivre sans ces enfants est devenu impensable pour nous. Nous ne nous confions pas en nos propres forces, mais au Seigneur Jésus. Et puisqu’il nous les a confiés, il accomplira aussi le travail nécessaire en eux et en nous. Il nous conduira tous dans la gloire éternelle. »
Même en Ukraine les quinze personnes de la famille Schwez (dont dix enfants adoptés) ne sont pas monnaie courante. Dans leur village de Ryshanovka tout le monde les connaît et voit en eux un bon exemple.